• Au 18ème siècle une affaire fortement lucrative  

    Contrebande en Roussillon

    Par le traité des Pyrénées de 1659, le Roussillon quittait le royaume d'Espagne pour être rattaché au royaume de France, Les habitants, non consultés, lutterons contre l'État pour préserver leur identité. La contrebande fut pour eux un moyen d'exister.

    Comme l'explique Michel Brunet dans son livre « Le Roussillon, une société contre l'État », les Roussillonnais ne sont pas devenus français d'un seul coup, au lendemain du traité des Pyrénées en 1659. A la question : « comment un fragment de l'ethnie catalane, ayant vécu pendant des siècles accolé à l'ensemble catalan et sous la domination espagnole, s'est-il intégré à la nation française ? » plusieurs pistes sont proposées et, parmi celles-ci, l'activité économique liée à la contrebande qui devint « une des industries les plus florissantes de la contrée, sinon la plus importante ».

    Car le tracé de la frontière, évidemment très contesté par les riverains des deux bords habitués depuis toujours à échanger librement marchandises et bestiaux, fut l'élément déclencheur d'une riposte durablement organisée et d'une insoumission aux règles imposées par l'État français.

    Sel, vêtements, armes

    On connaît les dégâts causée par la gabelle, ce nouvel impôt sur le sel dont la contrebande devint quotidienne, Le trafic local en provenance de Catalogne sud se porta aussi sur les objets d'usage courant comme les vêtements, les bonnets en laine rouge dits « baratinas », les « faixes » - ceintures également en laine rouge – les ustensiles de cuisine, les espadrilles « bigatanes », les étoffes, les objets de cuir tels que les harnais ou les gourdes.Michel Brunet nous dit que, à cette époque, « les Roussillonnais s'habillent dans le Principat ». ceci nuit évidemment à l'artisanat du pays dont on reconnaît volontiers la médiocrité de qualité sur le marché local, trop étroit, ne peut faire progresser.

    Il en est de même pour les armes et la réputation des manufactures de Ripoll ou Olot est connue est connue en Roussillon depuis toujours. Détail cocasse en 1792, alors que se profile une guerre avec l'Espagne et qu'il faut armer les gardes nationaux, une manufacture de Ripoll se dit prête à fournir des canons de fusil aux dimensions voulues par les français.

    Ceci pourrait être considéré comme de la contrebande locale qui s'exerce essentiellement de Catalogne vers le Roussillon. Mais il est un autre type de contrebande organisée par les filières de contrebandiers professionnels et dont le flux est inversé. Si on exporte frauduleusement du minerai de fer, la raison en est simple : la pénurie de bois de chauffe en Roussillon fait que l'on ne peut transformer sur place le minerai de fer et il est beaucoup plus facile de le faire passer en Espagne plutôt que de l'expédier à dos de mulet en France. Les autorités ont conscience de ce problème et si leur désir est d'y mettre fin, elles savent aussi que l'économie de toute la région va en pâtir et probablement s'effondrer. Ce cas sera même évoqué en 1791 à l'Assemblée Nationale pour la mine de Carol.

    Une autre activité dont le marché espagnol est demandeur touche une certaine catégorie de bois plus noble:planches, poutres, douelles de châtaignier. On cite aussi la cire, la soie brute, les cuirs bruts et les vieux linges ou chiffons, appelés « drilles » dont l'industrie papetière espagnole est vorace. Si cela nous prête aujourd'hui à sourire, il faut savoir qu'il s'agit là d'un trafic de contrebande très important dont l'organisation passe par les flottilles de pêcheurs de Saint-Laurent-de-la-Salanque, de Torreilles ou de Collioure qui embarquent vers Barcelone des tonnes de chiffons et qui, en retour, ramènent frauduleusement de la morue et du sucre. En 1811, le Tribunal spécial des Douanes prononcera encore des jugement de saisie de « drilles ».

    En montagne, pour la contrebande de matières premières en direction de l'Espagne, ce sont de véritables expéditions organisées qui se mettent en place. Les passeurs se réunissent en grand nombre et 30 à 40 hommes armés escortent les convois de plusieurs chevaux chargés. Les douaniers impuissants car en nombre insuffisant, ne sont pas en mesure de contrer ce trafic.

    Produits alimentaires...

    D'autres grands courants de contrebande sont liés aux produits alimentaires. Par exemple les grains et le bétail. Fin du XVIIème siècle, alors que la région de Barcelone se développe, il est frappant de constater que son arrière-pays se tourne vers la culture de la vigne, créant ainsi une carence en céréales et en viandes. Le Roussillon, face à l'énorme marché du Principat, ne fournira qu'une infime partie de la demande mais sera le point de passage des expéditions massives provenant du Languedoc.

    Un exemple : la Cerdagne, devenue française, produit deux fois plus de seigle qu'elle n'en consomme et il lui est impossible par manque de voies de communication, de transporter à dos de mulet cet excédent vers le Roussillon. Il est par contre facile pour elle de se tourner vers ses anciens voisins et amis, toujours demandeurs. Ces flux, dont l'ampleur est considérable, constituent un véritable travail de fourmis dont les douaniers ne saisissent que quelques miettes.

    et bétail

    Quant à l'exportation massive de bétail, elle semble constituer un énorme marché dont commerçants roussillonnais maîtrisent le flux. L'historien Pierre Vilar cite le cas de Barcelone qui, en 1793, importe près de 22000 bovins dont la plus grande partie clandestinement du Roussillon. En Cerdagne, sous le prétexte de faire paître les bêtes, il est facile de leur faire traverser une frontière dont le tracé est toujours source de contestation. Le chiffre énorme de 60000 têtes de bétail est cité par le directeur des douanes d'Ax qui écrit le 26 Thermidor de l'An IV aux administrateurs du département des Pyrénées-Orientales. L'enclave espagnole de Llivia, dont le pourtour n'est ni matérialisé ni sécurisé facilite grandement ces opérations de transfert, En avril 1814, le maire de Mont-Louis signale que « nous manqueront entièrement de bétail, tous les bestiaux du pays passeront à l'étranger... »

    Il existe également un trafic de chevaux de trait et de mulets dont Céret semble être la plaque tournante. Sont citées également les localités d'Oms, Fourques, Llupia et Thuir où des hommes sont recrutés pour escorter les caravanes à travers les sentiers vers la frontière.

    Il nous faut aussi parler de la contrebande de tabac dont le petit port de Banyuls-sur-Mer était déjà le centre opérationnel avant la Révolution. Un rapport de l'en 1769 dit que « presque tous les entrepreneurs de contrebandiers sont domiciliés à Banyuls ». Ce trafic ne concerne pas seulement l'Espagne comme le préfet le signale en 1819 : « il n'est pas rare de voir nos marins entreprendre sur de frêles bateaux des voyages longs et périlleux, se rendre dans les ports d'Italie, aux côtes de Barbarie, à Gibraltar et rentrer ensuite avec des chargements simulés après avoir déposé sur quelques points de la côte du département ou celle de la catalogne leur marchandise ».

    Il nous reste à citer la contrebande des denrées coloniales dont le sucre et le café viennent en tête puis celui des métaux précieux, or et argent, le plus secret des trafics.

    La conclusion, nous la laisserons à Michel Brunet qui nous dit que, à cette époque, « la contrebande tend à resserrer les liens étroits, traditionnel, entre le Roussillon et Ampurdan, entre Perpignan et Barcelone (…) le commerce interlope contribue par ailleurs à faire du Roussillon une zone d'insoumission, une espèce de plaque tournante semi-autonome, une zone de transition où la loi française ne s'applique plus tout à fait ou pas du tout ».

    Article paru dans La Semaine du Roussillon 


  • Foire de la Saint-Martin

    Les premiers coups de froid arrivent et avec eux la foire de la Saint-Martin. Événement incontournable, la traditionnelle foire de la Saint-Martin annonce la fin de l'automne en Pays Catalan.

    Foire de la Saint-Martin à Perpignan, un siècle et demi d'histoire. Sont-ils les petits-enfants des amuseurs d'antan ? Certains le revendiquent, d'autres préfèrent ajouter à leur patronyme le terme « industriel forain », peut-être pour définitivement chasser l'idée reçue fortement ancrée dans la mémoire collective qui faisait des forains, il n'y a pas si longtemps,  « l'étranger dont on doit de méfier ».

    Des bateleurs aux forains

    Aussi loin que remonte l'histoire toute concentration humaine a généré la création d'espaces ludiques où s'exprimaient troubadours, jongleurs, montreurs d'animaux savants, musiciens, chanteurs, magiciens et illusionnistes. Pour exemple, le site romain de Ruscinio, à Château-Roussillon, près de Perpignan, vieux de vingt deux siècles, peut-être plus, où les fouilles ont permis de remettre à jour le forum admirablement architecturé avec ses échoppes des marchands, ses ateliers d'artisans, ses boutiques du coiffeur ou de l'arracheur de dents mais aussi sa place publique, fermée sur trois côtés par des galeries couvertes. Il n'est besoin que d'un peu d'imagination pour voir vivre et s'amuser nos ancêtres d'un pays qui s'appellerait plus tard le Roussillon. Les forains, pour reprendre l'expression d'aujourd'hui, ont donc un passé dont ils peuvent être fiers. Ils ont toujours été les amuseurs de la société, en sachant se mettre au goût du jour, se renouveler et promouvoir les nouvelles techniques.

    Perpignan, une foire animée et très populaire

    Plus près de nous, relisons ce qu'écrit Frédéric Saisset en 1901 au sujet de la foire de Perpignan :  « La Foire ! À ce mot magique tourbillonne en nous une poussière de souvenirs : nuage à travers lequel remonte en nous toute notre âme d'autrefois et se représente à notre pensée tout un passé lointain. La Foire ! La Foire ! C'est le cirque avec ses pirouettes de clowns enfarinés et ses chevaux qui semblent, avec leur uniforme branlement de tête, tourner une meule absente, tandis que sur leur dos matelassé vire-volte et tournoie une demoiselle au sourire peint : le Cirque avec ses gymnastes en maillots-chair qui se tordent et se détordent comme des chiffons mouillés qu'on exprime pour la joie toute spéciale des ménagères. C'est, à côté, avec son cliquetis de perles éclatantes et de brocard argenté, le grand manège des chevaux tournants, emportant dans leur immobile galop de bois la petite foule ingénue des mômes. Et plus loin la Ménagerie avec ses fauves peints sur toile, rués sur le dompteur vaincu : et, de l'intérieur, se déverse jusque sur la foule une houle de clameurs sauvages, bruit de tonnerre qui réveille au fond de l'âme un peu de l'effroi qui devait secouer nos aïeux dans les forêts primitives. C'est maintenant la Femme-Prodigue, dont un habile jeu de miroirs à supprimé ses jambes. C'est le Palais des Singes où les hommes vont se pâmer devant la caricature de l'homme. C'est le théâtre de Passe-Passe et d'Équilibre où les chapeaux se transforment en casseroles magiques tandis que pirouette sur un fil de fer tendu une danseuse experte et attentive.

    Pour trois sous

    Et finalement, c'est la longue duperie des baraques louches d'où se dégage, par les quinquets fumeux du dehors, comme une odeur de perversité et de mensonge pauvre. C'est le mensonge même de la vie, la déception, la curiosité leurrée qui retombe en pluie d'ennui dans l'âme. « Venez voir, pour trois sous, la plus belle femme du monde ! Deux sous pour les militaires ! »Un roulement de tambour, et l'adulte inexpérimenté entre, l'esprit ébloui du vol des Chimères, sentant bouger les ailes du désir à l'approche de cette beauté qui s'offre. On entre . Et c'est l'affreux taudis de toile au fond duquel, sur quatre planches noires, une femme est assise : C'est l'Ange de clarté annoncé à l'extérieur ( l'Ange à deux sous pour les militaires ), la grosse poupée de brocard qui sourit de toute sa bouche édentée et vous tend une main amie. C'est la Femme Électrique dont les pieds reposent sur une pile. À son contact, une forte secousse vous ébranle et l'on sent l'effondrement des illusions puériles, les rêves en miettes qui choient. Mais l'espoir renaît de ses cendres, et l'on continue à vouloir tout de même, pour trois sous, un peu de beauté. Et, malgré tout, malgré les débris des illusions en miettes et l'indéniable duperie, dans l'âme de l'enfant l'âme foraine continue de vivre et, après le départ des maisons errantes, une mélancolie de regrets se prolonge et se mêle à l'espoir de l'annuel et périodique retour ! »

    Le saviez-vous ?

    Née le 11 novembre 1759, la foire de la Saint-Martin est installée sur diverses places de la ville et est destinée en premier lieu au commerce de bétail et de produits locaux divers avec une petite place faite au cirque et aux saltimbanques. En 1892, les progrès technologiques permettent l'apparition des premiers manèges à vapeur qui vont remplacer les marchands de bestiaux. La foire est une première fois déplacée en 1962 à la pépinière, puis en 1974 sur l'espace actuellement occupé par les voies sur berges. Depuis 1977, afin d'assurer la sécurité du public de plus en plus nombreux, la foire a définitivement déménagé aux parcs des attractions.

    Article paru dans la « Semaine du Roussillon »


  • Un détournement de diligence en 1834 sur la route Perpignan-Quillan

    Alors que la Révolution industrielle n'en est qu'à ses débuts, cette histoire nous révèle que l'homme,déjà, veut aller plus vite pour gagner du temps. Un course en avant qui n'aura désormais plus de cesse.

    Le 6 janvier 1834, au lieu-dit « montée de la métairie de Guilhemet », sur le territoire de la commune de Saint-Paul de Fenouillet, et alors que les chevaux vont au pas, des individus armés de bâtons surgissent et stoppent la diligence postale. Le conducteur, menacé par les hommes, est fermement prié de céder sa place et la diligence repart pour une destination inconnue.

    Sommes-nous en présence d'un acte de banditisme banal comme il en existe depuis toujours sur les chemins de France ? Et bien non, car rien de ce que contient la diligence ne sera dérobé. En général, les voleurs de grands chemins se contentent se contentent de détrousser les voyageurs et repartent aussi vite qu'ils sont venus. La diligence, en tant que moyen de transport, ne les intéresse nullement. Ici, point de voyageurs mais des sacs postaux qui, parfois, contiennent des valeurs. Et on sait que ces fameux sacs, destinés au bureau des Postes de Perpignan, arriveront avec simplement quelques heures de retard. Ce sera le seul préjudice matériel constaté.

    Mais alors de quoi s'agit-il ?

    Il faut savoir que, à cette époque, le transport de voyageurs ou de messagerie par diligence est soumis à une intense concurrence et la ligne Carcassonne-Perpignan, par Limoux et Quillan, d'un bon rapport, vient d'être revue à la hausse par une intensification du trafic. Le 24 novembre 1833, chez un notaire de Limoux, est signé l'acte par lequel est constituée la société de diligences « Dellac, Brel, Benard et Cie » dont le capital est fixé à 25.000 francs, divisé en 100 actions de 250 francs chacune.

    L'objet de la société sera de « faire le transport des voyageurs et des marchandises en même temps que celui des dépêches du gouvernement ».Elle se substitue à la société appartenant à Joseph Brel, précédemment « entrepreneur du service des dépêches de Carcassonne à Perpignan par Limoux » et devenu actionnaire de la nouvelle société. Les Brel, oncle et neveu, détiennent respectivement 6 et 4 actions. Les 33 actionnaires, dont 26 dans l'Aude et 7 dans les Pyrénées-Orientales se répartirons – à parts inégales – le capital social. Les actionnaires des Pyrénées-Orientales ont pour nom : Jean Antoine Azaïs, négociant et juge de Paix à Saint-Paul ; il est également l'un des 5 administrateurs de la société, Benard père, domicilié à Caudiès. Pla, propriétaire à Saint-Paul. Lacoste, curé à Maury. Amiel demeurant à Estagel et Paul Dieudé, commissionnaire à Perpignan.

    Les arrêts prévus dans les Pyrénées-Orientales se situent à Caudiès, Saint-Paul, Estagel et Perpignan.

    Un mois et six jours plus tard

    Le service débute comme prévu le 1er décembre 1833 et, le 6 janvier 1834, la diligence est stoppée et détournée à Saint-Paul par des hommes agissant à visage découvert et qui n'ont d'ailleurs aucun désir de rester inconnus. Car, en effet, les protagonistes de l'affaire ne sont pas des truands mais des actionnaires de la société à laquelle ils sont associés. En somme, les voleurs se sont attaqués à leur propre matériel. L'instigateur principal du hold-up n'est autre que Jean Antoine Azaïs, dont la fonction de juge de Paix du canton de Saint-Paul exclut toute suspicion de malhonnêteté que l'on pourrait formuler à son encontre. Après l'arrêt forcé et la prise de la voiture, celle-ci a continué son chemin vers Perpignan mais n'a pas atteint son terminal légal. Elle a été amenée dans les locaux commerciaux de Paul Dieudé, commissionnaire en marchandises et autre actionnaire de la société.

    Comment ces hommes respectables en sont-ils venus à kidnapper leur propre matériel ? Ils venaient tout simplement d'apprendre qu'une société concurrente ayant pour nom « Sieurs Rieutord, Lasserre et Cie » s'intitulant « entrepreneurs de diligences de Perpignan à Toulouse et du service des dépêches de Carcassonne à Perpignan » venait d'acquérir auprès de son concurrent Joseph Brel la diligence des dépêches, celle qui, depuis la création de la nouvelle entreprise, assurait le service journalier Carcassonne-Perpignan. Or, Joseph Brel, lors de la constitution de la société nouvelle chez le notaire de Limoux, avait déclaré transporter « tout le matériel de son entreprise » aux actionnaires de la nouvelle entreprise. Et le voilà qui vend une voiture qui, semble-t-il, ne lui appartient plus, à une société concurrente !

    Évidemment, dès le lendemain du kidnapping, les acheteurs floués vont tenter de récupérer leur bien mais Paul Dieudé refuse catégoriquement de restituer la diligence. Sans doute faut-il maintenant préciser que l'objet du délit, la diligence postale, est une voiture d'un type nouveau, plus légère, plus rapide que les voitures traditionnelles et qui ne nécessite qu'un équipage réduit, d'où l'intérêt qu'elle représente au niveau du coût d'exploitation. On comprend mieux pourquoi les uns et les autres la convoitent !

    Le 14 janvier 1834, soit huit jours après le rapt, François Sicart, huissier auprès du tribunal de première instance de Perpignan, délivre une assignation à comparaître à l'encontre de Jean Antoine Azaïs et Pierre Tisseyre « pour se voir condamner solidairement avec le sieur Paul Dieudé, à rendre et restituer aux requérants -l'entreprise Rieutord, Lasserre et Cie – la voiture dont il s'agit et ce dans l'état où elle se trouvait au moment de l'enlèvement, et à défaut leur payer la somme de deux milles francs, formant valeur d'une voiture pareille ; se voir en outre condamner de même solidairement à payer aux requérants tous les dommages soufferts et à souffrir jusqu'au moment où la susdite voiture leur sera rendue en bon état, ou sera remplacée par une voiture semblable, liquidation réservée avec dépens »

    L'assignation précise que la voiture en question a bien été acquise à Joseph Brel par acte privé le 5 janvier, soit la veille de son rapt.

    Cette affaire, dont le dénouement finaln'est pas connu, nous livre plusieurs indications sur l'état des transports à cette époque. La concurrence y est âpre et il est déjà question de gagner du temps, ce temps que l'homme ne cesse de vouloir réduire. Est-ce que les choses ont changé aujourd'hui ? Si les diligences ont disparu, si les temps consacrés aux trajets ont été divisés par dix, cette sempiternelle recherche de « temps gagné », à tous les niveaux de la société, a-t-elle contribué à rendre l'homme heureux ? Sans doute est-ce dans sa nature de courir toujours plus vite.

    Le grand musicien et compositeur Hector Berlioz a dit : « le temps est un grand maître, le malheur est qu'il tue ses élèves ». Mais l'essentiel n'est-il pas de le savoir ?

    Article paru dans La Semaine du Roussillon


  • Entre basse Salanque et Vercol

    Alénya au fil des siècles

    Cette carte a été expédiée le 12 août 1905 Collection de Jean Josset

    Les premiers habitants d'Alénya semblent être les hommes de l'âge de fer qui se sont installés sur les bords de l'étang, beaucoup plus étendu qu'aujourd'hui. Ils avaient choisi une petite éminence au lieu-dit Las Motas, les parties basses étant insalubres.

    Sur le territoire de la commune deux sites romains sont attestés. Le premier, toujours Las Motas et le second au Mas Chichet, au sud du village. Un troisième site supposé serait sur le territoire de l'actuel Mas Blanc.

    La première mention du village remonte à l'an 904 et fait allusion à des salines, en bordure de l'étang : « Stagno Alignanum ». Il s'agit d'un nom de domaine gallo-romain, la Villa Buacano.

    À l'époque, Alénya est en limite de la forêt de Bercol qui a pour centre Corneilla et qui s'étend jusqu’à Palau, Elne, Saint-Cyprien, Saleilles et au nord, Pollestres. Au delà, elle se prolonge jusqu'à Perpignan. On la nomme alors la « dévèse » du roi, une réserve de chasse royale clôturée. Cette forêt est constituée de chênes pubescents, de chênes-verts ou alzines, en catalan. Mais sont également présents des peupliers, des aulnes, des frênes et des hêtres.

    De nombreux étangs occupent les bas-fonds de toute cette région et ils sont la cause de nombreuses maladies transmises par les moustiques.

    Au milieu du XIIème siècle, Alénya est une possession de Ramon de Montesquieu, un neveu du comte du Roussillon Guilabert II. Les Montesquieu resteront seigneurs d'Alénya jusqu'en 1214. Vers la fin du Xiième siècle, on note à Alénya des donations en faveur des Templiers et l'on sait que ces derniers entreprendront partout où ils sont établis des travaux d'assainissement par le drainage des terres marécageuses. Si les cultures dominantes sont le blé, l'orge, le seigle et les plantes fourragères, la vigne est cependant mentionnée dès l'an 928.

    Au début du XVIème siècle, pendant le règne des Rois de Majorque, Alénya a fait partie de la puissante vicomté de Canet qui se compose de Canet, Sainte-Marie, Ville longue, Saint-Nazaire, Alénya, Thénar, Corneilla, Vieillarde, Moselle et Boaça. Quelques-uns de ces lieux ont disparu ou changé d'appellation. C'est le cas de Boaça, connu sous le nom de mas Blanc, intégré aujourd'hui au territoire d'Alénya.

    En 1373, deux familles font leur apparition à Alénya et à Boaça. Les Perapertusa pour Alénya et les Blan pour Boaça. C'est de cette époque que date le nom actuel de Mas Blanc qu'on écrit par erreur avec le « c » final.

    Pere Blan est issu d'une famille de marchands drapiers. Son nom vient vient du latin « blandus » qui signifie charmeur, ce qui n'a rien à voir avec la couleur blanche. Il sera consul de Perpignan et maître de l'atelier monétaire de la ville qui frappe les florins d'Aragon. Titulaire d'un poste de haute confiance, le roi Pierre III lui concédera les justices civiles de ses seigneuries ainsi que celle de Céret. En 1381, Pere Blan décède et son frère Perpenyà hérite de tous ses biens. Un lien très étroit unit cependant Alénya et Boaça car Perpenyà a deux filles alliées à la famille Perapertusa d'Alénya et un fils, Pere Blan II qui deviendra lui aussi seigneur de Boaça.

    Évidemment, il existait un château à Boaça, il a été malencontreusement rasé en 1974 mais son souvenir reste bien présent dans la mémoire des anciens.

    Article paru dans la Semaine du Roussillon

     


     

     


  • Le 17 octobre 1940, la furie de l'Aiguat a fait 370 victimes

    Le 17 octobre 1940, survenait l'épisode meurtrier le plus important subi par la partie nord de la Catalogne au XXe siècle, comportant la mort de 370 personnes. Le grand « Aiguat de 1940 » , étendu du 16 au 20 octobre, a occasionné le record européen de précipitations dans le hameau de La Llau, dans la région du Haut-Vallespir, où ont été relevés 840 mm en 24 heures. Une fort coup d'Est, additionné aux pluies apocalyptiques provoquant la furie des eaux du Tech, de la Têt, du Ter et du Fluvià, ou encore de l'Agly et du Galligans, a suscité une panique majeure, jamais observée depuis l'Aiguat de Sant Bartomeu, en août 1842. Mais en dépit de problématiques et de malheurs semblables, ce drame humain est un grand témoignage du verrouillage des territoires. En effet, la débâcle militaire du printemps en territoire français, la guerre civile en territoire espagnol, avaient amené le maréchal Pétain et le général Franco au pouvoir. Mais aujourd'hui, en 2010, à l'heure nouvelle du "transfrontalier", le regard porté sur cette catastrophe porte en lui ce cloisonnement politique. Les 50 morts des Pyrénées-Orientales et les 320 morts de la Catalogne du sud ont marqué les esprits, mais les rappels historiques restent séparés, comme les faits de l'époque. Sur le modèle du nuage de Tchernobyl ne franchissant pas les frontières de France, les drames vécus par Amélie-les-bains et Olot, dans deux vallées industrielles jumelles, le Vallespir et la Garrrotxa, démontrent un clivage issu des régimes anciens. 

    Le 17 octobre 1940, la furie de l'Aiguat a fait 370 victimes

    Catalogne du nord, octobre 1940

    Le 17 octobre 1940, la furie de l'Aiguat a fait 370 victimes

    Perpignan, Pont Joffre, 17 octobre 1940

    Le 17 octobre 1940, la furie de l'Aiguat a fait 370 victimes

    Le 17 octobre 1940, la furie de l'Aiguat a fait 370 victimes

    Le 17 octobre 1940, la furie de l'Aiguat a fait 370 victimes

    Le 17 octobre 1940, la furie de l'Aiguat a fait 370 victimes

    L'hôtel de l'Eden Parc à Vernet-les-Bains à demi détruit (cliché X, collection S. Roca)

    Le 17 octobre 1940, la furie de l'Aiguat a fait 370 victimes

    Le 17 octobre 1940, la furie de l'Aiguat a fait 370 victimes

    Article paru dans la Semaine du Roussillon