• Saint-Laurent-de-la-Salanque, elle a longtemps scruté la mer

    Cette sympathique petite ville aurait pu s'appeler Port Saint-Laurent tant son passé intègre une tradition maritime. Un rendez-vous manqué avec l'histoire.

    Incroyable, sans doute, pour la majorité de nos concitoyens. Car rein, aujourd'hui ne laisse paraître qu'elle fut pendant longtemps, une cité maritime. Et pourtant les faits sont là et il suffit d'en prendre connaissance. Les plus anciens Laurentins pourront d'ailleurs vous confirmer que, encore en 1929, la liste des embarcations en état d'armement, baptisées et enregistrées, s'élevait à 161 unités pour la seule localité de Saint-Laurent. Vous n'y croyez toujours pas puisqu'il n'y a ni port ni mer à Saint-Laurent ? C'est vrai, mais il y a un étang, vous l'aviez oublié et sans doute ne saviez-vous pas que Le Barcarès était, jusqu'en 1929, un hameau de Saint-Laurent (1). Tout s'éclaire puisque Saint-Laurent possédait bien un accès à la mer.

    Depuis la plus haute antiquité, les ressources économiques de Saint-Laurent sont liées à la mer ou à l'étang, et d'abord la récolte du sel, jadis un vrai trésor tant son utilisation était indispensable à la conservation des viandes et des poissons. Le village en a même tiré une partie de son nom puisque Salanque est synonyme de région du sel. Il y a ensuite la pêche, soit en mer ou sur l'étang et enfin le commerce que les Phéniciens, les Grecs et les Romains pratiquaient sur nos côtes bien avant notre ère. On peut aussi citer plus tard l'activité de contrebande par mer [voir article La guerre du sel en pays catalan (1ère partie) et (2ème partie)] très active à Saint-Laurent après la révolution.

    Évidemment, comme il n'y avait aucune structure portuaire construite en dur, les bateaux, tous de tonnage réduit ou de faible tirant d'eau, s'approchaient au plus près du rivage et le transbordement des marchandises se faisaient bien souvent à dos d'homme ou encore par flottaison pour les fûts de vin par exemple. Ces activités nécessitaient donc l'emploi d'une main-d'œuvre qui s'activait le long de la plage. Les barques de pêche, qu'il faisait obligatoirement remonter sur le sable pour les protéger des coups de mer étaient tirées de l'eau par des mulets ou des chevaux.

    Sur l’étang, c'était un monde différent, d'abord par la technique et ensuite par les produits pêchés. Certaines familles de pêcheurs, de génération en génération, ont passé leur vie dans les « barracas » construites en « sanills », ces roseaux minces et souples qui poussent en bordure d'étang. On signale leur présence depuis au moins 1691, année où Colbert autorise des constructions légères sur terrain maritime pour les besoins de la pêche.

    Il faut dire aussi que, à cette époques, les plaisirs de l'eau n'existaient pas, peu d'hommes savent nager, même chez ceux qui embarquent et la mer est généralement considérée avec méfiance par l'ensemble de la population. C'est de la mer qu'avaient surgi les invasions barbaresques dont la mémoire collective des hommes était encore imprégnée.

    Il est évident que toutes ces activités liées à la pêche ou au commerce faisaient la quasi-totalité du village. Charpentiers de marine, marchands et confectionneurs de voiles, de filets ou cordages, transbordeurs, transporteurs, tout ce petit monde laborieux et solidaire avait aussi suscité bien des vocations pour la navigation au long cours qui devint plus importante avec l'arrivée des machines à vapeur.

    Du capitaine au long cours...

    Saint-Laurent deviendra ainsi une pépinière de candidats à la navigation dont il est difficile, à la population égale, de trouver l'équivalent sur le pourtour du Golfe du Lion, que ce soit pour la « Royale » devenue Marine Nationale ou pour la Marine Marchande.

    Certains capitaines connaîtront un destin exceptionnel, tel fut le cas d'Éloi Pino qui acquiert une goélette en 1877 et crée un courant d'affaires avec ce qu'on appelle aujourd'hui la Corne de l'Afrique. C'est lui qui sera à l'origine de la fondation de la ville de Djibouti, devenant un peu plus tard la Côte Française des Somalis. Chez les Pino, les trois frères : Honoré, François et Éloi seront capitaines au long cours.

    Le nombre de Laurentins ayant servi les diverses compagnies de la Marine Marchande et dont le décompte a été effectué par l'Association des Anciens Marins s'élève à 114. C'est dire l'importance que représente ce secteur dans l'économie de la ville.

    aux marins de la Royale

    Quand à la Marine Nationale, deux Laurentins accéderont au grade d'Amiral : Raymond Parès et Antoine Jaulent.

    Chez les Parès, les trois frère serviront dans la Marine : Raymond(l'Amiral), avait été officier canonnier. Il en est de même pour son frère Justin mais ce dernier quittera la Marine avec le grade de capitaine de vaisseau pour entrer dans le privé. Le troisième frère, Charles, sera officier des Transmissions et terminera sa carrière comme ingénieur à la Direction Générale de l'Armement (DGA).

    Antoine Jaulent, issu de l'École Navale, pilote spécialiste de lutte anti sous-marine, fut également ingénieur atomicien au service de la dissuasion nucléaire. A sa retraite, il acceptera le poste de délégué départemental de la Société Nationale de Sauvetage en Mer (SNSM) à titre civile et bénévole. Il est décédé en 2008.

    Alors, des souvenirs d'escale, ils peuvent vous en raconter jusqu'à demain les Marcel Canal, Francis Vidal, Joseph Vilar ou François Got et tous ceux qui ont bourlingué sur toutes les mers du globe, qu'ils soient officiers ou hommes d'équipage.

    Mermoz et Saint-Exupéry volent à Saint-Laurent

    Saint-Laurent a également connu ses heures de gloire avec sa base d'hydravions dont il reste encore quelques traces mais surtout des souvenirs. Idéalement située en bordure de l'étang, elle fut créée en 1924 par la Compagnie Latécoère pour servir initialement de base de secours. Mais elle devint rapidement une base d'essais pour les prototypes long-courriers destinés à la traversée de l'Atlantique. Le 4 mai 1930, Jean Mermoz, parti de Marignane pour rallier Saint-Laurent du Sénégal, fera une escale technique à Saint-Laurent d'où il repartira le lendemain à bord d'un « Laté 28 ». C'est en avril 1934 que Saint-Exupéry entreprendra sur la base de Saint-Laurent un stage de pilotage d'hydravions de gros tonnage pour la Marine. Occupée par l'armée allemande en 1942, la base de Saint-Laurent sera bombardée par les alliés en 1944.

    Au cours des années d'exploitation, la base d'hydravions de Saint-Laurent se signalera par un nombre impressionnant de records battus (vitesse, charge, distance). Si l'hydravion gros porteur n'a pas survécu aux progrès, une partie de son histoire s'est cependant écrite à Saint-Laurent.

    (1) Saint-Laurent se sépare du Barcarès. Nous sommes en 1920 et déjà, les habitants du hameau du Barcarès, appelé depuis très longtemps Port des Barques et territoire de Saint-Laurent, désirent obtenir leur indépendance et ils la réclament aux élus de Saint-Laurent qui traînent les pieds pendant neuf années avant d'accepter de céder une partie de leur territoire à la nouvelle commune. Mais ce qu'ils cèdent, d'après eux, ne représente que du sable, des marécages, de l'eau et, en été, beaucoup de moustiques. Pas de quoi s'enrichir avec ça, doivent-ils se dire. Sauf qu'ils viennent aussi de céder leur façade maritime et l'histoire du village va en être changée au fil des ans. Ce qui ne s'est jamais produit à Canet, à Saint-Cyprien ou Argelès qui avaient la même configuration territoriale que Saint-Laurent mais qui ont conservé leur accès à la mer. On voit aujourd'hui ce que sont devenus ces anciens villages.

    Article paru dans la Semaine du Roussillon 

     

     


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    La mère-courage de la saga Arago, on a beaucoup écrit sur les frère Arago mais pratiquement rien sur leur mère et pourtant cette femme exemplaire mérite bien que l'on s'attarde un peu sur sa vie.

    C'est à Corneilla-la-Rivière, le 3 novembre 1755 que naît Marie Anne Agathe Roig, de François Roig, pagès c'est-à-dire paysan aisé, ancien officier et de Victoire Brial, son épouse, elle aussi fille d'un pagès de Camélas. Le grand-père François, Cama Roig, est médecin. Il faut retenir de cette époque que 90 % des femmes sont illettrées, l'éducation des filles n’étant pas du tout prioritaire. Les adolescentes étaient destinées à devenir des bonnes épouses et des maîtresses de maison capable de donner naissance à des enfants et de les élever. Leur rôle était celui-ci. Aussi, ce qui a été dit sur la toute jeune Marie nous semble peu crédible et pourtant, elle a bien appris seule à lire et à écrire à partir de textes en français ou latin qu'un oncle, curé de Ponteilla, rapportait parfois à la maison. Mais tout ceci en cachette, de peur de contrarier les parents.

    Si on ne connaît rien de sa prime jeunesse, on sait qu'elle épouse le 12 août 1778 – elle a donc 23 ans – François Bonaventure Arago, lui aussi pagès et licencié en droit. Le couple s'installe à Estagel où la présence des Arago est attestée depuis 1640. Orphelin très jeune François Bonaventure a été élevé par un frère de son père, prêtre, qui lui a fait suivre des études de droit à Perpignan.

    Les onze enfants du couple

    Dès 1779, un an après leur mariage, le premier enfant naît, une fille prénommée Marie-Rose, qui meurt quelques mois après, en 1780. cette même année naît une deuxième fille, Marie-Thérèse, qui décède également dans l'année. En 1782, en voici une troisième, Rose qui, elle, vivra jusqu'en 1832. Et encore une autre fille, née en 1783, Marie-Victoire qui disparaît dans la même année. En cinq ans, sont nées du couple Arago-Roig quatre filles dont trois décédées en bas âge. Mais pendant ces années le père Arago entame une carrière politique et devient, de juin 1786 à juin 1787 le premier Consul de la ville d'Estagel, fonction que l'on peut assimiler à celle d'un maire actuel.

    François premier des six garçons

    Entretemps, un premier garçon est né en 1786, François. C'est lui qui deviendra un brillant politicien, astronome et physicien. Et puis un second, Jean, en 1788, qui sera caissier à l'Atelier des Monnaies de Perpignan puis militaire s'illustrant au Mexique. En 1789, lorsqu'éclate la Révolution, François Bonaventure Arago rédige une grande partie du Cahier de Doléances [ Le 5 août 1788, le roi Louis XVI annonce la convocation des États Généraux prévus en avril 1789. Chargés de voter de nouvelles ressources financières et de proposer des réformes, les États Généraux sont l'occasion pour les sujets de communiquer avec leur souverain. Ce sont ces fameux Cahiers par lesquels le roi demande à tous de consigner ce qui ne plaît pas mais aussi ce qui plaît dans le royaume. ] d'Estagel et il devient en 1790 le premier maire élu de la commune. 1790 sera aussi l'année de naissance du troisième garçon de la famille, Jacques qui deviendra romancier, auteur dramatique et explorateur. En cette année 1790, sept enfants sont déjà nés, quatre ont survécu. Comment sont-ils élevés ? On dit Marie Arago dotée d’une très vive intelligence, d'une gaieté communicative et d'une santé de fer. Fervente chrétienne, elle va encourager ses enfants, même les filles, à poursuivre des études. On influence est reconnue et respectée au village. Un autre garçon naît en 1792, prénommé Victor, qui deviendra polytechnicien et militaire. Et puis encore un autre,Joseph, né en 1796. Il sera militaire dans l'armée mexicaine. En 1798 naît une fille, Marguerite qui épousera plus tard un collègue de son frère François, un scientifique de l'Observatoire de Paris, Claude Louis Mathieu. Et enfin le dernier des onze enfants du couple, Étienne, né en 1802. Lui sera un dramaturge, homme politique, maire de Paris en 1870. Alors, faut-il parler d'un clan, cette famille Arago ? Sans aucun doute et c'est souvent le cas dans les familles nombreuses. Tous les enfants sont nés à Estagel et tous auront le sens de la famille dont la mère, Marie, reste le pivot central. En 1814, le père Arago, François Bonaventure, décède, laissant une veuve et huit enfants dont les deux plus jeunes sont encore mineurs. Selon le biographe d'Étienne Arago « toute sa vie, Marie Arago a eu une énorme influence sur ses enfants mais aussi sur ceux qui l'entouraient ». Tous, garçons et files, se comporteront avec droiture et honnêteté, à l'exemple du père. De la mère ils hériteront le dynamisme qui les anime, la bonté envers autrui et une bonne humeur communicative.

    Très impliquée à Estagel

    A Estagel, Marie est très impliquée dans de nombreuses œuvres de bienfaisances et il a été dit que, lorsqu'elle était mourante, en septembre 1845, les Estagellois seront très nombreux à venir à son chevet.

    Un autre malheur vient frapper la famille en 1832, Rose, l'une des deux filles, décède à 50 ans et Marie, alors âgée de 77 ans, devient la tutrice des quatre enfants de sa fille. Un exemple de l'extraordinaire « aura » de Marie Arago : En 1841, Félix Savary, alors professeur d'astronomie et de géodésie à l'École Polytechnique, vient se soigner à Estagel, chez Marie et il décédera chez elle, le 15 juillet. Il avait à peine 44 ans. Marie Arago décédera dan sa maison à Estagel, le 5 septembre 1845, à l'âge de 90 ans. L'histoire de cette saga familiale nous interpelle par le fait que les parents, qui ne sont pas des gens très riches, réussiront à faire de leurs six fils des personnages qui vont se distinguer, chacun dans sa spécialité et le rôle de la mère, rappelons qu'elle est autodidacte, à été primordial.

    Article paru dans la Semaine du Roussillon


  • Destins d'enfants de la guerre, ils ont été envoyés en URSS en 1937

    Pour les éloigner de la guerre civile espagnole qu'on espérait courte, ces enfants auront passé plus de vingt temps hors de leur patrie et le retour sera pour certains d'eux trop difficile dans un pays qu'ils ne reconnaissent plus.

    Lundi 26 avril 1937. C'est le jour de marché à Guernica, un bourg de 3000 habitants environ en Pays Basque Espagnol. Les bombes de Franco, qui veut toucher au cœur les Républicains, s'abattent soudain sur la ville qui brûlera aux trois quarts. Quand aux victimes, le bilan en est toujours controversé mais il es forcément élevé. La guerre civile et son spectres d'horreurs sont déjà une réalité.

    Le gouvernement basque, aussitôt par le gouvernement républicain, entreprend une campagne en vue d'éloigner les enfants du territoire espagnol et leur épargner ainsi les affres de la guerre. Plusieurs pays répondent à l'appel dont la France, la Belgique et l'Angleterre. L'URSS donnera son accord plus tard, alors qu'elle compte de très nombreux sympathisants et des combattants – avec ses Brigades Internationales – dans les rangs Républicains.

    Près de 30000 enfants dont beaucoup d'orphelins quitteront leur pays dans un mouvement coordonnés à la fois par le Secours Rouge International, les élans de solidarité créés par les socialistes et les communistes et le ministère de l'Instruction Publique espagnol. Ces enfants proviennent d'un peu partout, du Pays Basque, des Asturies mais aussi de Malaga, Madrid, Terruel, Barcelone, Oviedo et bien d'autres régions d'Espagne.

    Presque tous regagneront leur patrie dès la fin de la guerre excepté les 3000 qui avaient été envoyés en URSS. Pour eux, le destin en a décidé autrement car l'issue du conflit n'a pas été celle espérée par les Républicains.

    Il faut sauver les enfants

    Pendant l'été 1937, quatre navires partent pour l'Union Soviétiques. Ils sont exactement 1996 enfants, âgés de 2 à 15 ans, dont les parents, pour la plupart, militent dans une organisation ouvrière et voient en l'URSS un véritable « paradis terrestre ».

    L'accueil en Union Soviétique est fastueux et la propagande du parti réalisera des reportages destinés à âtre montrés en URSS et diffusés à l'étranger, surtout en Espagne où ils sont projetés dans les mairies, les maisons syndicales ou les sièges régionaux du Parti Communiste Espagnole (PCE).

    Douze maisons pour enfants situées à Leningrad, Moscou, Kiev, Odessa, Kherson et Kharkov les prendront en charge au fur et à mesure de leur arrivée. L'État va dépenser beaucoup d'argent pour leur scolarité, les soins médicaux, les vêtements et la nourriture. Tout sera fait pour « donner à l'étranger une image de prospérité, de largesse et de compassion du peuple soviétique envers les orphelins espagnols ».

    Ici aussi, comme en Espagne, on pense que leur séjour ne sera temporaire et l'enseignement leur ai prodigué dans leur langue maternelle par 213 adultes espagnols, instituteurs et surveillants qui ont accompagné les enfants.

    En marge de leur scolarité, les enfants reçoivent une formation encadrée par les « komsomols » - organisation de la jeunesse communistes – et, deux fois par semaine, on procède au contrôle de leur tendance politique qui sera éventuellement corrigée si elle n'est pas conforme aux orientations idéologiques soviétiques.

    En 1939, la guerre civile espagnole est remportée par les franquistes et les enfants ne peuvent regagner leur pays, par crainte de représailles, alors que ceux hébergés en Angleterre, France, Belgique et Danemark sont bien rentrés chez eux.

    A Moscou, on croit cependant que le régime de Franco va pas durer et on mise sur son effondrement. Les enfants, devenus adolescents, doivent être prêts, lorsqu'ils reviendront au pays, à le guider vers le communisme.

    Alors que certains d'entre eux ont intégré des Universités, ils obtiennent la citoyenneté soviétique « ce qui facilite leurs démarches administratives d'une part et leur intégration de l'autre ».

    Le 22 juin 1941, la radio soviétique annonce l'invasion du territoire par les troupes allemandes et le quatrième anniversaire de la venue des enfants va marquer pour eux la fin « d'un heureux séjour en URSS et le début d'une tragédie ».

    Les 130 plus âgés d'entre eux sont enrôlés dans l'Armée Rouge en tant que soviétiques. 50 tomberont sur le champs de bataille, 47 sont faits prisonniers par les Allemands, 33 seulement survivront.

    Les plus jeunes subiront les restrictions générales, certains contracteront la tuberculose, la malaria et, au total, 251 enfants mourront pendant la guerre.

    En 1945, alors que le conflit est terminé, certains parents espagnols commencent à les réclamer mais l'Union Soviétique n'entretient pas de relations diplomatiques avec l'Espagne, ce qui va compliquer singulièrement la situation. Les ambassades de France, du Mexique ou de l'Argentine parviendront en faire rapatrier certains en 1945, 46 et 47. Puis, brusquement, tout s'arrête en 1948, aucun adolescents ne quittera désormais l'URSS.

    Ces jeunes, résignés à ne plus pouvoir rentrer chez eux, feront leur vie en Union Soviétique. 750 d'entre eux ont reçu une éducation universitaire, d'autres une spécialisation technique. Ils se marient, ont des enfants.

    En 1956, sous Khrouchtchev, certains parviennent à faire parvenir un message au secrétaire général des Nations Unies Dag Hammarskjöld dans lequel ils expliquent qu'ils sont retenus contre leur volonté en URSS. Craignant que cette affaire soit exposée en plein jour et devienne un obstacle à leur politique d'ouverture, les Soviétiques accordent le droit aux « enfants » espagnols de rentrer chez eux, sauf ceux qui travaillent dans l'industrie lourde ou militaire. Vingt ans ce sont écoulés.

    Un retour difficile

    Retrouvailles joyeuses pour les uns mais désillusions pour les autres, car après avoir passé vingt ans hors de leur patrie, ils auront bien du mal à se retrouver chez eux dans un pays qui n'est plus celui qu'ils ont quitté.

    On les dit guettés par la police de Franco qui voit en chacun d'eux un agent du KGB, pressés aussi « par une église catholique omniprésente qui veut imposer à ces sortes d'hérétiques laïques l'évangile par tous les moyens ». Les problèmes d'adaptation se multiplient et, au final, ils seront près de la moitié à vouloir regagner l'URSS pour s'y établir définitivement.

    Au début des années 60, ils seront plus de 200 à se rendre à Cuba pour servir le régime de Fidel Castro. Ils sont ingénieurs ou agronomes et ces ex-Espagnols « deviennent en quelque sorte le fer de lance de la politique latino-américaine élaborée au Kremlin ».

    Ceux qui restent en URSS serviront aussi le rapprochement avec le continent sud-américain. On les trouve au nouvel Institut de l'Amérique Latine de l'Académie des Sciences, fondé en 1961 ou encore dans les divers Instituts (Pédagogique, Commerce Extérieur, Langues Étrangères et Relations Étrangères) comme professeur d'espagnol. Radio Moscou va en employer aux postes de locuteurs, correcteurs, analystes, traducteurs et éditeurs de programmes. Les maisons d'édition proposeront des places de traducteurs, correcteurs ou rédacteurs pour leurs publications en espagnol. « Ces enfants sont venus en URSS pour échapper à une guerre et se retrouvent finalement participant à une autre, plus subtile, où les armes les plus redoutables ne sont pas des armes de destruction, mais les connaissances et les spécialisations mises à profit dans un cadre beaucoup plus large ».

    Article paru dans la « Semaine du Roussillon »

     



  • De l'or dans le Roussillon

    Trouver de l'or ! C'est le rêve qui hante les nuits de tous les orpailleurs – chercheurs d'or – de la planète. La patience et la persévérance seront toutefois les vertus premières de ces hommes capables de remuer en vain des tonnes de matériaux avant d'y découvrir une parcelle du précieux métal.

    Il en est de l'or comme de la truffe, qu'on appelle aussi le diamant noir : ceux qui connaissent les sites n'en souffle mot. Il y a des signes que seuls les spécialistes savent décrypter et nous nous contenterons ici de donner les grandes lignes de ce que sont (ou furent) les filons aurifères de notre région.

    Et tout d'abord nos rivières, la Têt, le Tech, le Réart et leurs affluents. Elles véhiculent toutes de minuscules pépites, de l'ordre du millimètre, qu'il faut aller chercher dans les alluvions, les trous, les dépôts argileux. Quand à l'Agly, il est signalé un bassin aurifère à la source, au pic de Bugarach (Aude).

    On a cité par exemple, dès le Moyen Age, une exploitation d'or qui a duré des siècles à Saint-Jean-Pla-de-Corts. L’endroit exact n'en est pas connu mais il certain que, compte tenu des moyens de l'époque, il doit bien rester des kilos d'or quelque part dans le sous-sol du territoire de la commune.

    Les études lancées en 2009 par l'Université de Toulouse le Mirail au travers de « Travaux et Recherches Archéologiques sur la Culture, les Espaces et la Société » ont permis d'identifier en Cerdagne les mines d'or en alluvions dont la technique d'exploitation était déjà connue des Romains. « Les recherches géologiques menées sur le terrain de Saillagouse ont confirmée la présence de l'or alluvial à l'échelle locale avec la mise en évidence de grains d'or dans les sédiments récents de la rivière du Sègre, en aval des chantiers de Llo et dans le ruisseau qui draine les chantiers de Saillagouse ».

    L'une des astuces utilisées il y a pas si longtemps par certains exploitants de sablière était de disposer sous les trémies des morceaux de moquette dans lesquelles les pépites mêlées à l'eau venaient s'emprisonner, étant plus lourdes que le sable. L'histoire ne dit pas combien de kilos d'or ont été amassé ainsi mais sans doute faut-il calculer plus en grammes qu'en kilogrammes. On retrouve un dispositif identique chez certains artisans du forage qui font remonter à la surface de grosses quantités de sable.

    Mine d'or des Glorianes

    Glorianes entre Conflent et Aspres 21 habitants en 2008 mais un territoire de 1872 hectares. Une route qui part de Vinça, traverse Rigarda et rejoint Glorianes., Terminus tout le monde descend ! La mine aurait été découverte en 1902 par des bergers et les premiers travaux de fouille et de recherches sont menés jusqu'en 1905. Une concession portant sur 1080 hectares est accordée par l'État en 1922. S'ensuivra une exploitation artisanale et intermittente en 1923-1924 puis en 1938-1939. Il est indiqué que 150 personnes travaillaient sur ce site en 1939.

    Vient la guerre, et, en 1941, une demande de concession est refusée. Rien ne se fait jusqu'en 1955, année où le Service des Mines, estimant que le gisement était insuffisamment connu et que les recherches antérieures n'étaient que superficielles, accorde une mutation et les recherches reprennent. L'exploitation est cependant abandonnée en 1963.

    Quatre ans plus tard, la concession est annulée mais un nouveau permis de recherches est sollicité en 1968. Des travaux continuent en 1969 et des sondages sont effectués à Serrabonne.

    On estime que le minerai extrait contenait 12 % d'arsenic et titrait de 20 à 25 grammes d'or par tonnes de minerai.

    Le Bureau de Recherches Géologiques et Minières estime que 1200 tonnes d'arsenic et 350 kg d'or ont été extraits de Glorianes. La mine comprenait 1700 m de galerie , 19 entrées et 3 puits. Le minerai était réduit en poudre sur place puis expédie ailleurs pour l'extraction du métal précieux. Toujours selon le Bureau de Recherches Géologiques et Minières, les mêmes quantités seraient en réserve mais l'extraction n'est pas jugée rentable.

    Trois filons principaux sont connus à Glorianes et deux à Serralongue.

    Il est dit aussi que certains habitants de Glorianes niaient la présence d'or dans le minerai extrait et on peut les comprendre car cet or quasiment invisible à l'œil nu. Seul, un traitement spécialisé permettait de l'isoler.

    A ceux qui, en lisant ces lignes, seraient tentés d'investir la mine de Glorianes avec pelles, pioches et seaux, il faut dire que c'est une propriété privée et l'accès en est clairement interdit.

    Alors, faire fortune en cherchant de l'or, vous y croyez ? Vous pouvez toujours essayer...

    Article paru dans « La Semaine du Roussillon »



  • Alénya mémoire d'un village

    Jour de fête sur la place du village

    Alénya mémoire d'un village

    1950 - Les viticulteurs manifestent à Perpignan 

    La première mention du toponyme qui a donné Alénya a été trouvée dans un manuscrit datant de 904 et faisant allusion à des salines au bord de l'étang, stagno alignanum. Les hommes de l'âge de fer semblent être venus s'installer sur une petite butte au bord de l'étang qui était beaucoup plus étendu qu'aujourd'hui, à l'emplacement actuel du lieu-dit Las Motas. Cette population devait être attirée par les ressources de l'étang et sans doute de la mer.

    Alénya viendrait du nom d'un propriétaire, Elenius, Alenus, Alienus ou Alinius, ayant vécu à l'époque roumaine. Cette occupation romaine est confirmée par les découvertes archéologiques faites dans la plaine autour d'Elne et plus particulièrement sur le sol d'Alénya. La forme Alenianum, la première mention du terroir, est une forme adoptée au Moyen âge.

    Naissance du village

    Du Xème au XIIIème siècles, de nombreux changements vont bouleverser la vie des populations rurales. L'habitat rural se fixe et l'homme se rend maître du sol. Les réseaux des chemins, des fossés et des limites administratives datent de cette époque.

    On ne trouve durant près de siècles, de 981 à 1144, aucun document écrit sur le village. Du XVIème au XVIIème siècles, des changements importants vont se produire à Alénya. Au centre du village, on trouve l'église, le cimetière et la place : les maisons ceinturent le tout. En 1593, la communauté décide de réaliser un emprunt pour assurer la reconstruction de l'église devenue trop petite. De nouvelles maisons sont construites : on trouve au rez-de-chaussée la remise ou l'écurie, au premier étage l'habitation et le paller pour conserver foin et céréales.

    L'extension du village s'effectue vers l'est, sans doute en raison des voies de communication principales. Les rues sortent du village depuis la place de l'église et le long de celles-ci, les maisons,

    cortals (bergeries) et remises grandissent. À l'intérieur du noyau originel, des cours ou patus servent de poulaillers. Des places secondaires apparaissent. Les rues n'ont pas de nom : on les désigne par des explications que tout le monde comprend comme « la rue devant l'église », « la rue de Cayrol » ou encore « la rue de la procession » qui existe toujours aujourd'hui même si l'on n'y fait plus aucune procession...

    De la terre française à la République

    Alénya devient terre française en 1659, comme tous les villages roussillonnais. Suite aux guerres, confiscations des biens, épidémies de la peste (1651-1653)... la commune est dans un bien triste état. Aucune récolte n'a été faite depuis cinq ans.

    Après le traité des Pyrénées en 1659, mettant fin aux hostilités entre la France et l'Espagne et restituant le Roussillon aux français les habitants d'Alénya continuent à vivre selon les coutumes et traditions catalanes.

    Juillet 1871, les républicains enregistrent une victoire aux élections, 84 électeurs sur les 129 inscrits dans la commune votent: 62 voix se portent sur le candidat républicain Escarguel contre 22 sur son rival royaliste Mac Mahon.

    En 1881, le 14 juillet devient fête nationale : les conseillers votent un crédit de 100 francs pour cette fête. Durant cette période, trois journaux se partagent la faveur des électeurs et des lecteurs : L'Indépendant est le journal des opportunistes, L'Éclaireur celui des radicaux, Le Roussillon celui des conservateurs catholiques et royalistes.

    L'école de la République devient gratuite, laïque et obligatoire jusqu'à 12 ans : la commune doit voter des impositions extraordinaires pour couvrir les dépenses de l'école dans la maison de la mairie. Malgré tout, les instituteurs se plaignent du manque de mobilier. En 1879, 40 filles sont scolarisées : l'école des filles est construite en 1887 grâce à un emprunt de 14400 francs de la mairie et une contribution de l'État. Le village s'agrandit et les chemins vicinaux sont mal entretenus : une prestation en nature de trois journées données par chaque habitant est établie pour les réparer.

    Des bouleversements

    La fin du XIXème siècle voir Alénya et son territoire transformés. La mévente du vin entraîne au début du XXème siècle de nombreuses crises qui touchent son économie. Le village vit replié sur lui-même et, outre les jours d'élection, connaît une grande unité. Le café est l'endroit où se retrouvent les hommes pour lire la presse, jouer aux cartes et diffuser les nouvelles. L'éclatement de cette unité arrive avec l'électricité, la radio et les premières automobiles. Dans la première moitié du XXème siècle, l'essor de la viticulture se traduit par l'édification de grands chais et l'émergence d'un prolétariats d'ouvriers agricoles qui lors des crises viticoles en 1904 ont l'appui de l'opinion publique.

    Quelques grandes dates

    904 : Première mention écrite du toponyme ayant donné au village son nom, stagno Alignanum

    1882 : Lors de la construction de la mairie, sous le Second Empire, une horloge est installée. Usagée, elle est remplacée en 1882 par une horloge aux deux corps de rouage. Une cloche de 1200 kg en cuivre et en étain lui est adjointe. Elle servira fidèlement le village jusqu'en 1930.

    1892 : La commune achète une pompe à incendie, de nombreux feux faisant des dégâts dans les greniers à foin. La même année, les lois devenant de plus en plus complexes, un dictionnaire municipal en deux volumes est acheté.

    1877 : L'impôt sur les chiens rapporte 86 francs.

    1904 : Le 18 février, le syndicat des travailleurs agricoles est crée. Il demande que l'on emploie des hommes de la commune à la place des Espagnols. Ce bras de fer avec les propriétaires durera jusqu'à la fin de l'année et les ouvriers obtiendront gain de cause.

    1914 : Le 3 août, les jeunes gens du village apprennent l'ordre de mobilisation générale. Tout le travail est suspendu. Les réservistes arrivent à Perpignan en chantant La Marseillaise.

    1915 : Alénya participe au grand emprunt de la Défense nationale

    1919 : Le conseil municipal vote une somme pour élever le monuments aux Morts.

    Article paru dans l'Indépendant