• Il faut bien l’avouer. Tout généalogiste qui voit, au détour d’un acte (le plus souvent notarié) ses recherches franchir le seuil du quinzième siècle et s’enfoncer dans le Moyen-Âge ressent un petit frémissement d’émotion.

    On a beau ne pas systématiquement vouloir épingler Charlemagne à son tableau de chasse, lorsqu’on débute sa généalogie, reconnaissons quand même qu’il y a quelque chose de plaisant à se dire que tel ancêtre a pu entendre les échos, même lointains, des voyages de Christophe Colomb ; ou que tel autre, qui vivait à Rouen en 1431, a peut-être fait partie de la foule qui assista au supplice de Jeanne d’Arc. Et puis, parfois, le rameau s’avère plus vivace que prévu, et la remontée des siècles continue jusqu’à des époques que l’on n’aurait jamais imaginé fréquenter. J’ai récemment connu cette aventure généalogique, qui (surprise supplémentaire !) m’a conduit jusqu’aux premières générations des comtes qui ont gouverné, entre le VIIIe et le XIe siècle, ce qui allait devenir un peu plus tard la Catalogne [1]. De ce périple dans le temps est née l’idée de ce triple article, à la recherche de ceux qui furent les premiers “seigneurs” [2] de notre région. Tout tourne, on le verra, autour du fameux Guifré (Guifred dans les textes francs), surnommé “le Velu” (el Pilos), Marquis des Marches d'Espagne, Comte de Barcelona, Girona, Osona, Cerdagne et Urgell, qui vécut entre 840 (environ) et 897. J’en ai donc fait la charnière des deux articles généalogiques, dont le premier, dans le prochain Nissaga, décrira son “règne” et abordera son ascendance, tandis que le deuxième, dans le Nissaga suivant, donnera quelques pistes pour l’étude de sa pléthorique descendance. Toutefois, il me faut au préalable consacrer un volet initial à une présentation de ce qu’était la Catalogne dite française entre les VIIIe et XIe siècles, tant elle était différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. Le Haut Moyen-Âge des pays catalans est à bien des égards pour le généalogiste amateur une période totalement obscure, dont il n’est pas inutile de rappeler le contexte et les caractéristiques.

    Bien sûr, la géographie physique de l’espace qui s’étendait entre Narbonne et les Albères ne présentait pas de grandes différences avec celle que nous connaissons, l’urbanisation et les infrastructures en moins. C’est en ce qui concerne l’implantation des populations que des spécificités se dégagent [3]. Globalement, au seuil du IXe siècle, le littoral est stabilisé dans sa ligne actuelle, malgré la persistance de larges zones marécageuses et incertaines qui, à partir du grau de Narbonne et jusqu’à Argelès, longent la mer. C’est donc un espace assez largement désert, d’autant plus que le voisinage maritime n’est plus considéré, depuis longtemps, comme un espace économique d’échanges pourvoyeurs de richesses, mais comme le lieu d’arrivée des ennemis (Normands, Sarrasins) qui ont ravagé ou occupé la région. La haute montagne est pour sa part un milieu hostile et inexploré, auquel les contemporains prêtent depuis des siècles des pouvoirs maléfiques qui éloignent les curieux : il faudra attendre 1285, dit la légende, pour que le Canigou soit vaincu pour la première fois, par Pere III d’Aragon. Ailleurs, les sites archéologiques font apparaître un espace où l’habitat, extrêmement morcelé, est surtout localisé le long des rivières et dans la plaine du Roussillon. Hormis, ici ou là, quelques maigres essarts et ermitages, vestiges de la protection parfois recherchée contre les invasions, l’homme n’a en effet guère pénétré l’épaisse forêt qui recouvre l’essentiel du territoire. La Catalogne héritée des temps wisigothiques, telle que Charlemagne l’a traversée lors de l’expédition d’Espagne de 778, s’avère être un espace sous-peuplé et dépourvu à la fois de villages, qui n’apparaîtront que durant la deuxième moitié du Xe siècle, et de villes, qui soit se sont éteintes peu à peu depuis l’Antiquité (Elne, Collioure, Ruscino…) soit qui n’ont pas encore commencé leur histoire (Perpignan, Argelès, Thuir, Céret, Prades…) [4].

    Les populations qui occupent cet espace sont pour leur part héritières de plusieurs strates historiques, aux postérités variables. S’il ne reste aucun souvenir des Sardones, l’un des rares peuples pré-romains locaux dont on ait gardé le nom, ni des petites colonies grecques regroupées autour d’Ampurias, au sud des Pyrénées, l’occupation romaine a pour sa part laissé quelques traces : routes, villes, bâtiments. Mais c’est surtout l’occupation wisigothique (412 – 719) qui laissa une empreinte forte. Les patronymes, l’organisation politique et sociale, le droit, la langue, tout devint peu à peu plus goth que latin, sans toutefois aboutir au remplacement complet d’un système culturel par un autre. Ce n’est pas un hasard, on y reviendra, si les élites politiques locales sur lesquelles se fonda la construction de la future Catalogne étaient pour la plupart d’origine wisigothique. En revanche, l’irruption des Sarrasins dans l’espace ibérique, à partir de 711 jusqu’à la prise de Narbonne en 719, a eu des conséquences majeures sur notre région. Les Arabo-berbères n’y sont pas restés assez longtemps [5] pour que leur présence détruise les bases de la société wisigothique ; l’islam, notamment, ne s’implanta pas. Mais outre la violence de leur affrontement militaire, les deux mondes étaient trop dissemblables pour cohabiter. Nombreuses furent donc les populations locales qui quittèrent la région, refluant vers le Languedoc actuel, voire vers Toulouse. Et comme les occupants sarrasins furent bientôt trop occupés par la difficile cohésion de leur propre royaume pour songer à remplacer les populations parties, c’est une région excentrée et quasiment désertée que les Francs n’eurent pas trop de mal à reconquérir.

    Conscient de la fragilité défensive d’un tel espace, échaudé peut-être aussi par la versatilité politique des peuplades pyrénéennes [6], Charlemagne s’empressa, dès la prise de Barcelone, de réorganiser politiquement l’ensemble des territoires pyrénéens qui constituaient désormais une protection essentielle de l’Empire carolingien contre les remuants voisins sarrasins. Ce fut la création de la Marche d’Espagne, composée de quinze comtés dépendants des monarques carolingiens, qui en nommaient les comtes. Huit d’entre eux concernaient les terres catalanes [7], preuve à la fois de l’absence de structures politiques préalables, et du souci carolingien de redonner une cohérence à ces territoires reconquis. Pour les diriger, Charlemagne et ses successeurs directs (Louis le Pieux de 814 à 840, puis Charles le Chauve de 840 à 877) puisèrent dans la seule “aristocratie” dont ils pouvaient disposer : celle des petits “seigneurs” locaux, tous Goths, qui étaient restés dans les vallées reculées, abrités des turbulences historiques et dans lesquelles ils jouissaient d’une incontestable autorité. Encore convenait-il aussi de repeupler la région, ce que le pouvoir carolingien sut faire en y accueillant tous ceux, Goths ou autres, qui quittaient le reste de la péninsule ibérique, restée sous domination sarrasine. Le système des aprisions, terres en friche données en bénéfice avec prescription trentenaire, sous réserve de les mettre en valeur par le défrichage et l’exploitation, attira les immigrants aussi sûrement que le souhait de rester dans un environnement chrétien.

    C’est dans cette Catalogne en pleine réorganisation que, entre 848 et 870 environ, des rivalités profondes et sanglantes dressèrent les uns contre les autres plusieurs “seigneurs” des terres catalanes, désireux de rassembler sous leur autorité le plus grand nombre possible des comtés. À plusieurs reprises, Charles le Chauve dut intervenir pour raffermir l’autorité carolingienne. Vers la fin de son règne, la chronique raconte qu’au terme d’un combat, le roi se pencha au chevet d’un jeune chef catalan blessé, dont la bravoure avait été particulièrement décisive. Avisant un bouclier d’or posé là, Charles le Chauve imprégna ses doigts du sang du blessé, et barra le bouclier de quatre bandes rouges… Le drapeau catalan était né. Bien belle histoire, en vérité...

    Mais hélas totalement imaginaire [8] ! Elle a toutefois le mérite d’attester l’importance politique acquise par celui qui n’était encore que Guifré d’Arria, mais qui en quelques années réussit à devenir le seul comte de tout l’espace catalan.

    C’est de lui, de son règne et de son ascendance qu’il sera question dans le deuxième volet de cet article.

    [1] Pour la commodité de la lecture, et sauf cas particulier que je préciserai, j’emploierai systématiquement les noms de lieux actuels. J’utiliserai également les appellations “Pyrénées Orientales” et “Catalogne”, bien qu’elles soient ici parfaitement anachroniques.

    [2] Là aussi, le terme est anachronique, car lié à la société féodale qui ne se développera qu’un bon siècle plus tard.

    [3] Les lecteurs fidèles de Nissaga seront peut-être surpris de lire ici une présentation géographique de la région passablement contradictoire avec celle qui découle des articles déjà publiés par notre ami Michel Sauvant. Celui-ci m’en voudra d’autant moins que nous avons déjà eu l’occasion d’échanger nos avis sur ce sujet ; il sait donc que je suis dubitatif sur le contexte historique de la thèse qu’il développe dans ses articles. Loin de moi l’idée de contester le considérable travail onomastique qui est le sien, vis-à-vis duquel mon incompétence est totale ; en revanche, sur le plan historique, la localisation et la datation qu’il retient pour le personnage de Stevus ne me paraissent pas correspondre à ce que je sais des conditions de peuplement, d’organisation territoriale, et de fonctionnement socio-économique de notre région durant les temps wisigothiques (Ve - VIIIe siècles). Mais il est vrai que la connaissance progresse nécessairement par la confrontation des opinions contradictoires.

    [4] Les lecteurs désireux d’approfondir ces trop brefs développements pourront se référer aux remarquables travaux d’Aymat Catafau, notamment Les celleres et la naissance du village en Roussillon (1998)

    [5] Narbonne fut reprise par Pépin le Bref, père de Charlemagne, dès 759 ; Gérone devint franque à son tour en 785, et Barcelone en 801.

    [6] Dont l’armée franque eut cruellement à souffrir lors de la bataille de Roncevaux, où son arrière-garde fut trahie puis décimée par les montagnards vascons.

    [7] Urgell, Cerdagne, Roussillon, Ampurias, Besalu, Ausona, Gerona et Barcelona. Auxquels il convient d’ajouter les trois “vicomtés” (nom impropre, mais employé par commodité) du Conflent, du Vallespir et de Peralada, plus ou moins inféodés aux comtés voisins.

    [8] Outre qu’il semble acquis que Charles le Chauve ne soit jamais venu en Catalogne, le moine de Valence qui a rédigé cette légende, au milieu du XVIe siècle, a notamment oublié qu’il faudra attendre les croisades, deux siècles plus tard, pour voir apparaître les premiers  blasons servant d’armoiries.

    Article de Patrick Dombrowsky (inséré sur mon blog avec l'aimable autorisation de l'auteur)

    Ce texte est paru dans Nissaga (Revue de l'Association Catalane de Généalogie)


  •  Le corps intact de la sainte du Roussillon

     

     Sœur Anne-Marie Antigo

    Le monastère Sainte-Claire de Perpignan abrite depuis plusieurs siècles le corps de Sœur Anne-Marie Antigo (1602-1676), offert à la vénération des fidèles et à la ferveur des Perpignanais, qui toutes générations confondues, viennent lui confier leur prière dans un cahier d'intentions.

    « Depuis près de quatre siècles, elle en a entendu des confidences, sœur Anne-Marie Antigo », confie sœur Marie-Béatrice, un des onze Clarisses du Monastère Sainte-Claire. C'est là, dans la chapelle de droite en entrant dans l'église qu'elle repose dans son cercueil de verre depuis 1878. Offerte à la vénération des fidèles et à la ferveur des Perpignanais, de toutes conditions, origines et générations confondues, qui viennent lui confier leur prière et leurs malheurs dans un cahier d'intentions. Mère Antigo est devenue la sainte de Perpignan. Tant pour sa vie, que pour le miracle de son corps conservé de manière exceptionnelle, sans aucun traitement particulier.

    Née dans le quartier Saint-Jacques de Perpignan le 19 janvier 1602, Catherine Antigo entre en 1621, à l'âge de 19 ans, au couvent royal de Sainte-Claire. Elle est reçue par la Mère supérieure Bernardine Dieulafe, sous le nom d'Anne-Marie. Elle mène une vie contemplative très intense. Elle fait partie des Pauvres Filles de Sainte-Claire, à Perpignan depuis 1271. Leur premier couvent fut crée sur la paroisse de Saint-Jacques, entre la porte de Canet et le Puig des Lépreux. Les Clarisses étaient si bien considérées par les Perpignanais, qu'à la prise de la ville, en 1344, lors des guerres de familles opposant Aragon et Majorque, le mot d'ordre était : « Astalbiau las monjas, Astalbiau las monjas ! » - (Épargnez les religieuses) – car elles faisaient le bien et soignaient malades et blessés. C'est Saint-François Borgia, alors vice-roi de Catalogne, qui après bien des tergiversations installe les Clarisses dans les nouveaux locaux, en 1548, sur la Paroisse la Réal. Ces bâtiments abriteront 26 religieuses dès le 8 janvier , par un froid intense qui ne rafraîchira pourtant pas l'enthousiasme des Perpignanais venus nombreux avec leurs Consuls. Ce couvent du fait de la volonté de Charles Quint sera appelé « Couvent Royal ».

    En 1652, lors de l'annexion du Roussillon à la France, par lettre de cachet, François de Sagarra, président en mortier du Conseil souverain du Roussillon, obtient de Louis XIV que vingt Clarisses soient expulsées au couvent Sainte-Élisabeth de Barcelone, dont sœur Antigo soupçonnées d'avoir gardé trop d'attaches avec la Catalogne sud.

    L'exil dura huit ans pour cette Clarisse intraitable qui a osé braver le roi Soleil. Durant ces huit années, l'instabilité politique s'était installée en Roussillon. Aussi pour tenter d'apaiser l'ire des Catalans, Louis XIV décide de faire son entrée solennelle dans Perpignan pour accorder quelques libéralités, le 10 avril 1660. Le lendemain, la reine Mère, Anne d'Autriche, pour apaiser les esprits,visite le couvent des Clarisses et promet d'intercéder auprès du roi pour le retour des religieuses précédemment exilées.

    En 1660, à son retour, à la tête de ses sœurs, la Mère Antigo fait un retour triomphal dans sa bonne ville de Perpignan. On prétend que dans l'enthousiasme de son retour, pour honorer la « Sainte », la foule ôte les chevaux de sa voiture et tire à bras Mère Antigo jusqu'à la cité.

    Identité catalane

    Quelques temps plus tard, des incidents répétés affectent la quiétude du couvent qui passe de la juridiction franciscaine à celle de l'ordinaire.Il s'ensuit de graves difficultés. Anne-Marie Antigo, d'apparence frêle, mais personnalité bien trempée qui jamais ne renonce, reprend la tête du mouvement des Clarisses afin de réunifier la communauté troublée par ces délicats problèmes de juridiction. Son éthique personnelle tient en trois phrases : foi en Dieu, amour du prochain et attachement à sa patrie catalane. Avec persévérance, elle fait prévaloir son souci de l'identité catalane de la communauté, en demandant des confesseurs catalans, tout en prouvant son attachement à l'église diocésaine. Après de longues et houleuses transactions avec des diverses autorités (le pape Clément IX qui lui accordera aide et protection, le chapitre de la cathédrale d'Elne, le roi Louis XIV), le petit groupe de sœur Antigo obtient gain de cause.

    La balade du corps de Mère Antigo

    Après cet événement, elle est désignée Mère abbesse. Mais avec diplomatie, ne voulant pas être imposée de force, elle attend la fin du mandat de la mère en place.L'unité de la communauté est alors rétablie. Après son triennat abbatial, on lui confie l'éducation des novices à qui elle transmet l'expérience de sa vie contemplative et de la communion fraternelle qu'elle avait fait prévaloir.

    A l'âge de 74 ans, elle voit Sainte-Anne te la vierge qui lui annoncent sa mort prochaine. Après une longue et douloureuse agonie, elle décède le 28 septembre 1676.

     

    Sœur Anne-Marie Antigo

    De son vivant elle avait acquise une renommée de sainteté, en consacrant sa vie aux pauvres. Son corps est alors déposé dans un sarcophage. Le cercueil est ouvert le 23 mai 1731, en présence de Monseigneur de Llanta qui trouve le corps préservé de toutes marques de corruption. Il en sera de même 40 ans plus tard en 1771.

    En 1793, sous la terreur, le couvent est transformé en prison et c'est en effectuant des réparations, en 1805, qu'un ouvrier qui effectue des travaux dans l'ancien couvent met à jour par hasard le cercueil. Le corps, toujours intact, est porté à l'église de la Réal. Le Sœurs de Sainte-Claire auront bien du mal à récupérer la dépouille de la Mère Antigo. Ce ne sera possible que le 29 juillet 1842. On le transfère de l'église de la Réal au couvent des Clarisses, rue Grande-la-Monnaie. Puis enfin en 1878, il déménage pour l'avenue Joffre. Mais en octobre 1940, au moment de la grande inondation de « l'Aiguat » sur le Roussillon, le voilà qui baigne dans les eaux de la Têt. Pourtant, le corps ne sera pas endommagé. Un masque de cire est alors apposé sur le visage abîmé.

    Mais Mère Antigo n'est pas au bout de ses peines. Un matin de 2005, le chevalet qui soutien le coffret casse et le corps s'en retrouve redressé… délivrant documents historiques et piécettes de dévotion populaire glissés discrètement auprès de la sainte.

    La cause de béatification et de canonisation de Mère Anne-Marie Antigo a été introduite à Rome en 1921. Elle est en attente d'être plaidée.

    Article paru dans La Semaine du Roussillon


  • Grand diplomate et gouverneur du Roussillon

    Périllos, un village dont les seigneurs qui portent son nom se sont illustrés en Catalogne et ailleurs, au plus haut niveau de la diplomatie des royaumes d'antan.

    Ramon de Perellós

    Hier village abandonné, aujourd'hui en vois de réhabilitation, Périllos pourrait bien revoir l'animation dans ses ruelles d'ici peu. Car, grâce à l'association « Terres de pierre », en phase avec la municipalité d'Opoul, un premier bâtiment a été entièrement restauré et un permis de construire va été accordé pour la remise en état de l'ancienne école. On sait que, grâce au radar météorologique installé à proximité, l'électricité est également disponible à Périllos. Reste cependant à résoudre le problème de l'eau et de l'assainissement pour que le village renaisse à la vie. Comme quoi, rien n'est définitivement perdu en ce monde et les illustres ancêtres ayant écrit de belles pages de notre histoire roussillonnaise en serait fort aise, n'en doutons pas.

    Et en voici une belle histoire vécue par l'un des Ramon de Perellós en l'an 1397, (ils sont plusieurs à porter le même nom) une aventure attestée par les historiens et pourtant peu connue du grand public :

    Ramon de Perellós

    Fils de Francesc de Perellós et probablement de Catarina, il sera le premier vicomte de Perellós et le second de Rueda, en Catalogne. Il est éduqué à la cour de France et fut page de Charles V au service duquel se trouvait son père. En 1370, Enric de Trastàmara lui fait donation d'Igualada mais il y renonce en héritant de la vicomté de Rueda. Faisant partie de la ligue nobiliaire agissant contre les vicomtes de Cardona et de Castellbò, il est envoyé en Angleterre pour négocier une alliance avec le duc de Lancaster. En revenant de Saint Jaume de Galicia, il est fait prisonnier en 1374 à Granada. Pere III de Catalogne-Aragon obtient sa libération en payant une rançon. Trois ans plus tard, on le retrouve comme patron d'une galère du roi de Chypre puis comme majordome, camerlingue et conseiller de l'Infant Joan. Ce dernier lui vend les lieux du Boulou, Thuir et Montesquieu.

    En 1396, Ramon de Perellós est envoyé en mission auprès du comte d'Armagnac et du roi de France pour tenter d'éviter une invasion. Il se trouve en Avignon, auprès du pape, au moment où meurt au mois de mai je roi Joan Ier, victime d'une chute de cheval. Celui qu'on a appelé Joan le Chasseur mais aussi Joan le Négligent n'a pas été un homme d'État. Si les historiens le décrivent comme tolérant, toujours prêt à aider les démunis, il est trop léger et indécis.

    Quelques jours après, le 2 juin 1396, à l'instigation des villes royales et spécialement de Barcelone, la reine Maria, l'épouse du nouveau roi Marti l'Humà, frère de Joan Ier, ouvre le procès dit du Conseil de Joan Ier dans lequel trente-quatre fonctionnaires et conseillers du roi sont accusés : 1) d'avoir formé une ligue pour gouverner selon leurs convenances. 2) d'avoir mal conseillé le roi. 3) d'avoir accepté des subordinations en affaires de politique, d'administration et de justice. 4) ils sont en outre accusés d'avoir causé ou motivé la mort du roi, intervenue sans confession.

    Les prévenus sont Berenguer Marc de Montesa, Eiximen Peris d'Arenós, Eimeric de Centelles, Asnar Pardo, Bernat Margarit, Francesc Sagarriga, Hug d'Anglesola, Jaume Pallarès, Ramon de Perellós, Ponç de Perellós, Ramon Alemany de Cervelló (gouverneur de Catalogne), Guillem et Joan de Vallseca, Joan Mercader, Joan Desplà et Gabriel Cardona (juristes à la Cour), Esperandeu Cardona (vice-chancelier de Catalogne), Pere de Berga (conseiller et régent de la Chancellerie), Bartomeu Sirvent (protonotaire), Bernat Metge (secrétaire), Julià Garrius (trésorier), Joan Garrius (régent de la Trésorerie), Mateu de Lloscos (commissaire du roi de Majorque), Luchino Scarampi, Juan Don Sancho, Berenguer de Cortilles et Ramon Traginer (de Perpignan, préteurs du roi). Esperandeu Cardona et Joan Garrius furent également accusés d'avoir empoisonné leurs épouses.

    Informé de cette accusation qu'il juge inique et pour s'en libérer, Ramon informe le pape, qui tente en vain de l'en dissuader, qu'il va se rendre au Purgatoire pour y rencontrer l'âme du roi défunt et prouver par là qu'elle n'est pas en danger de damnation. Joan Ier, homme superstitieux, avait avant sa mort demandé à Ramon de Perellós, alors gouverneur du Roussillon qu'il lui transmette les écrits d'un chevalier qui disait être allé au Purgatoire de Saint Patrick. Mais comment, de son vivant, se rend t-on au Purgatoire ?

    Voyage dans l'eau delà

    Il faut savoir que, dès le XIIème siècle, court en Europe une légende d'outre-tombe selon laquelle il existe en Irlande, sur une île du lac Drag, une grotte appelée Purgatoire de Saint Patrick. Ramon de Perellós, accompagné du chevalier Guillaume de Courcy fait le voyage en Irlande où il est aimablement reçu par le roi Nelan O'Neill. Doté d'un sauf-conduit et d'une escadre de vingt hommes, il se rend sur l'île, à l'entrée de la grotte. Il fait son testament, assiste à une à une messe pour le salut de sa propre âme et adoube chevalier ses deux fils Thomas et Pere. Il entre ensuite dans la grotte avec Guillaume de Courcy. Ce qui se passe dans la grotte, il le racontera à son retour d'abord au pape puis l'écrira dans un livre intitulé « Voyage au Purgatoire ». Il y explique que, parmi les âmes admises au Purgatoire, il a bien trouvé celle du roi Joan Ier lequel lui a dit qu'il était « via de salvació », n'étant en aucune façon voué à la damnation.

    Il faut croire que cette explication fut suffisante puisque Ramon de Perellós, appuyé par le pape, fut absout par le roi Marti. On le retrouve ensuite en Sicile avec l'armée du roi.

    Quand Benoît XIII rencontre quelques difficultés en Avignon, Ramon de Perellós devient son lieutenant pour aller à Paris et obtenir pour le pape la protection des troupes du duc d'Orléans, de 1398 à 1401. Il va d'ailleurs passer quelques années au service du souverain pontife.

    En 1410, de retour en Catalogne, il est l'un des représentants du Parlement catalan à celui d'Aragon et devient l'un des procureurs du comte d'Urgell, d'abord aux Corts de Barcelone puis à Lleida où il jure fidélité au comte Ferran Ier. Celui-ci va l'envoyer à la tête des compagnies gasconnes qui avaient la charge de secourir le gouvernement de València. Arrivées trop tard à la bataille de Morvedre, les compagnies gasconnes pourront cependant disperser les troupes castillanes à Castelló.

    De 1416 à 1419, année de sa mort, Ramon de Perellós est député de la Generalitat de Catalunya. Veuf de Sibilla, il était remarié à Violant de Lima qui lui a survécu.

    Article paru dans La Semaine du Roussillon


  • L'abbaye de Saint-Michel de Cuixà par le canal de Boera

    Quoi de mieux, pour découvrir l'un des plus beaux sites patrimoniaux des Pyrénées-Orientales, que de le faire au terme d'une balade tout en fraîcheur, le long d'un canal ? Je vous propose la découverte de l'abbaye de Saint-Michel de Cuixà, par le canal de Boera, au départ de Codalet.

    Envie de fraîcheur, sans pour autant grimper jusqu'aux cimes catalanes ? Nous vous proposons une petite balade facile et agréable, sous les arbres, le long du canal de Boera (Bohère sur les cartes IGN). Le plus long canal d'irrigation des Pyrénées-Orientales, qui s'étend sur une quarantaine de kilomètres entre Serdinya et Marquixanes, date du XIXème siècle. La portion que nous allons découvrir permet de rallier le village de Codalet à l'abbaye de Saint-Michel de Cuixà. Depuis le chemin de Nougarol, où vous vous êtes garé, rejoignez le canal qui se trouve au bout du chemin. Remontez-le côté droit. Un agréable sentier le longe en passant sous les arbres, sur plusieurs kilomètres. C'est une portion de ce chemin que vous allez emprunter jusqu'à l'abbaye de Saint-Michel de Cuixà.

    Saint-Michel de Cuixà

    Au fil de l'eau

    Derrière la végétation, en contre-bas, la vallée qui descend de Taurinya vers Codalet se laisse entrevoir par moments, avec ses champs et ses vergers de pêchers. Au fond, se dresse le plateau d'Ambouillas, au-dessus de Sirach. Le canal contourne cette colline avant de venir passer près de Saint-Michel de Cuixà. Au fil de la promenade, apparaissent quelques ouvrages d'art, systèmes de drainage de l'eau de pluie depuis les hauteurs de la colline et autres murs de soutènement. On arrive finalement à une intersection : un petit chemin descend sur la droite, permettant de quitter le sentier du canal pour plonger sur l'abbaye, que l'on rejoint après avoir longé un verger par la droite.

    Un bijou roman

    Saint-Michel de Cuixà

    Saint-Michel de Cuixà apparaît alors dans toute sa splendeur, impressionnante depuis le pied de ses murailles extérieures, rappelant toute la puissance passée de ce site, devenu notamment haut lieu de pèlerinage sous l'abbé Oliva, au XIème siècle. Amateurs d'architecture et amoureux d'histoire, poussez la porte de l'abbaye ! On admire ici le clocher roman, du XIème siècle, mais aussi la crypte, salle mystérieuse au milieu de laquelle se tient un imposant pilier central portant une voûte. Mais, surtout, le cloître de marbre rose impressionne par la beauté de ses sculptures, monstres, bêtes sauvages et thèmes végétaux, figures imaginaires inquiétantes. Ce cloître a été reconstitué au début des années 50 avec des pièces qui se trouvaient à Prades ou chez des particuliers. Au printemps, l'abbaye est égayée par un jardin d'iris, rassemblant près de 500 espèces différentes... Un festival de couleurs incitant à la méditation, avant d'achever la ballade. Pour ce faire, deux options : reprendre le même chemin, ou, variante plus longue mais plus variée, suivre le « tour de Saint-Michel de Cuixà ». Il vous permettra de rentrer par l'autre versant de la vallée, et ainsi de longer la chapelle Saint-Jean.

    Article paru dans La Semaine du Roussillon


  • Héros adulé puis déchu et exclu du Parti Communiste

    André Marty (1886-1956)

    Marty André -1921

    Il fut un personnage très controversé dans la haute hiérarchie du parti communiste français. D'abord un héros de stature internationale puis écarté et enfin exclu pour des fautes qu'il nia avoir commises.

    Il serait vain et prétentieux de vouloir décortiquer en quelques ligne « l'affaire Marty » qui, dans les années 1950, défraya la chronique. Marty était cependant catalan, fils et petit-fils de Catalans d'origine modeste de Fontpédrouse. Jamais, semble-t-il, il ne renia ses origines, ni ses convictions. Sans doute est-ce là un destin exceptionnel, autant par la personnalité de l'homme que par la complexité de ses relations avec l'appareil dirigeant de l'époque. André Marty, fils d'Isidore, lui même condamné à mort par contumace en 1871 pour sa participation à la Commune de Narbonne, naît à Perpignan le 6 novembre 1886. Déjà, l'histoire d'Isidore n'est pas banal. Mobilisé en 1870, il avait été affecté au dépôt de Narbonne avant de partir avec son régiment sur la Loire. De retour après l'armistice, il participa, avec la majorité de son bataillon à la Commune de Narbonne, proclamée le 24 mars 1871. Le mouvement ayant échoué, Isidore se déguisa en prêtre pour passer en Espagne et échapper au procès qui le condamnera. De Barcelone à Buenos-Aires et à nouveau à Barcelone où il sera cuisinier, s'écoulent quelques années d'oubli. Il reviendra en France en 1881 en empruntant l'identité de l'un de ses frères, épousera Angélique, une blanchisseuse, et le couple exploitera longtemps un débit de boissons qui deviendra qui deviendra hôtel-restaurant dont l'arrière-salle accueille des réunions politiques. Trois fils, André en 1886, Michel en 1890 et Jean en 1893 naîtront de leur union.

    Élève au collège de Perpignan, André Marty y est « moyen, laborieux », selon ses professeurs, puis très bon en terminale-mathématiques où il conquiert tous les prix sauf en philosophie. Bachelier ès-sciences, il entre en 1905 à l'École Supérieure Professionnelle dite École Rouvière, à Toulon, afin de préparer l'École des matelots élèves mécaniciens de la Marine. Pour un stupide accident, une brûlure à la main droite, il ne peut passer le concours d'entrée à cette école. Très déçu, il revient à Perpignan et fait son apprentissage de chaudronnier sur cuivre chez un mécanicien de la ville. Celui-ci et un ingénieur des travaux publics du nom de Mognier l'introduisent à la Loge maçonnique Saint-Jean des Arts et de la Régularité de Perpignan (Grande Loge de France).

    Le 20 juin 1907, il participe activement à l'assaut de la Préfecture de Perpignan avec les vignerons du Midi en révolte. Cet événement le marque et c'est à cette date, affirme-t-il, qu'il fait remonter sa prise de conscience révolutionnaire. En 1908, il entre dans la Marine militaire comme matelot mécanicien chaudronnier. Reçu premier au concours, son engagement est de deux ans, en plus du service militaire. Il y restera en fait plus de dix ans. En 1912, Marty collabore sous un pseudonyme à la rédaction de l'hebdomadaire « Le Cri du Marin » et un article sur la catastrophe du cuirassé Masséna provoque l'interdiction du journal. Il se dit « influencé par les idées syndicalistes révolutionnaires des ouvriers de l'Arsenal ». Il participe aux travaux de la Loge l'Action Écossaise (Grande Loge de France) mais, à partir de 1914, il n'a plus l'occasion de fréquenter les milieux maçonniques.

    Officier, mutin et condamné…

    En juin 1914, il est reçu premier au concours des élèves officiers mécaniciens et fait toute la guerre sur les unités combattantes. Sa volonté est de ne pas rompre avec ses origines : « carré des officiers, pour déjeuner ou dîner, les convives doivent se mettre en tenue de ville. Marty y vient toujours en bleu de travail », souligne un témoin. En juillet 1917, il est promu ingénieur mécanicien et affecté au service « machines » du torpilleur d'escadre « Projet » et, après l'armistice du 11 novembre 1918, son navire fait partie de l'escadre envoyée en Mer Noire pour combattre la Révolution russe. Marty, qui aurait demander à quitter l'armée, sans succès, est au cœur des mutineries connues sous le nom de Révolte de la Mer Noire. Son arrestation a lieu le 16 avril 1919 après qu'un projet de prendre le contrôle du torpilleur a été éventé. Les mutins voulaient entrer dans le port d'Odessa drapeau rouge au mât et donner le signal d'une opération qui paralyserait l'intervention française. La mutinerie éclata cependant le 19 avril 1919 sur le cuirassé « France ».

    acclamé par 5000 personnes à Perpignan

    Marty, le seul des mutins ayant la qualité d'officier avait réussi, de sa prison, à communiquer avec l'extérieur. Une lettre qu'il écrit à Maître Sartre, avocat à Perpignan et cousin de sa mère le 23 juin 1919 témoigne de son courage devant le risque qu'il encourt : « J'insiste sur ce que, devant une condamnation à mort très probable, je me déclare plus que jamais solidaire de tous ceux impliqués dans les affaires de la Mer Noire. Éclairez les ouvriers et les paysans sur cette énorme affaire. Les bolchevicks ne sont pas ce qu'on dit en France et on oblige les marins et les soldats à faire une besogne ignoble contre leur volonté (…) Si cela ne vous dérange pas trop, pourriez-vous envoyer une copie de ce document et de ma déclaration de solidarité à Messieurs Ernest Lafont et Goude ? Merci » (Lafont et Goude sont des députés socialistes). Le 5 juillet 1919, Marty est condamné par le Conseil de guerre à vingt ans de travaux forcés, vingt ans d'interdiction de séjour et à la dégradation militaire.

    La presse ouvrière se mobilise pour demander l'amnistie des mutins et en particulier celle d'André Marty. Pour la première fois, en 1921, les forces de gauche soutiennent unanimement la candidature de Marty à l'élection municipale de Charonne. En fait, cette initiative ayant fait boule de neige, il sera élu quarante-deux fois entre octobre 1921 et juillet 1923, de Paris à Perpignan (ou il est élu conseiller général) de Lyon à Hyères. Il est même élu au Soviet de Moscou par les ouvriers de l'usine « Dynamo ». Le 22 juillet 1922, une première amnistie libère les marins de la Mer Noire, sauf Marty. Selon le Bulletin officiel de la Grande Loge de France N° 21, de mars 1923, l'intervention pressante de la franc-maçonnerie aurait contribué grandement à sa libération et à sa grâce, ratifiée par le Conseil des Ministres du 20 juillet 1923. Le 18 juillet, deux jours avant le Conseil des Ministres, Marty avait été reçu triomphalement à Perpignan et, le 22, cinq mille personnes l'acclamaient Place de Catalogne. Il entrait dans l'histoire, au plan national et international, comme le « Héros de la Mer Noire ».

    Une ascension irrésistible

    A cette époque, André Marty n'est pas encore adhérent du Parti Communiste. C'est de Perpignan après avoir démissionné de la franc-maçonnerie, qu'il fait sa démarche d'adhésion, en septembre 1923. « L'Humanité » du 27 septembre en fait état. Au Conseil Général, en désaccord avec les socialistes, il démissionne avec éclats le 2 octobre 1923. Dès lors, il ne manquera aucune occasion pour attaquer le Bloc des gauches (les radicaux) et la S.F.I.O. Au Congrès de la Fédération communiste des P.O. Des 12 et 13 janvier 1924, Marty présente les nouveaux statuts fédéraux. A Lyon, il est fêté par les participants. A la demande du parti et pour assurer la victoire en 1924 il se présente en Seine-et-Oise où il est élu député, loin devant son second. A la Chambre, il se fait remarquer par la violence de ses propos et de ses actes : un jour, il sort de sa poche un nerf de bœuf et le fait tournoyer sur la tête des socialistes. « Ce fut une erreur », reconnut-il en juin 1926. Envoyé en URSS comme délégué parlementaire auprès du Comité directeur, il y est reçu avec les honneurs. Dès son retour « il se prononce contre l'opposition interne et suit fidèlement toutes les évolutions de la direction stalinienne ». Il est élu au Comité Central du parti en janvier 1925 et fustige de plus belle l'opposition. Pour son activité antimilitariste, il est condamné, à sept reprises, à un total de six ans de prison, en 1925 et 1926. Dans une lettre qu'il adresse au maréchal Foch, au sujet de la menace bolchevique, il écrit : « (…) le jour où vous voudriez recommencer le crime de 1919, nous ferons tout, avec l'appui entier de notre Parti communiste, pour que, cette fois-ci, les soldats et les marins ne se contentent plus de refuser et de marcher, mais pour qu'ils mettent leurs armes au service des ouvriers (…) ». Cette déclaration lui vaudra la levée de son immunité parlementaire, son arrestation et sa condamnation. Bien que ses relations avec la direction du Parti ne soient pas des meilleures. Marty est très populaire et il est élu au Bureau politique en 1929 puis devient le délégué de la France au Komintern. Rentré de Moscou en 1931, on le dit «agressivement hostile à Thorez. Marty travaille beaucoup, il a un sens politique indiscutable mais collaborer avec lui n'était pas facile, il se mettait dans une colère folle, insultant grossièrement ceux dont il était mécontent ». Élu en 1935 au secrétariat de l'Internationale communiste, devenant le second de Dimitrov, il est le seul français cité dans l'Histoire du Parti communiste bolchevique de l'URSS, paru en 1939. Dès août 1936, l'I.C. Le délègue auprès du gouvernement républicain espagnol et il devient le patron des Brigades Internationales. De sa base d'Albaceite, Marty multiplie les exigences envers « ces Messieurs de Paris ». On lui colle à la peau le surnom de « bourreau d'Albaceite » pour les multiples exécutions qu'il a ordonnées. De 1939 à 1943 il est en URSS, au secrétariat de l'I.C. Puis par pour Alger où il devient membre de l'Association consultative provisoire. Il négocie l'entrée de communistes au Comité de Libération Nationale présidé par de Gaulle avant de rentrer à Paris, le 3 septembre 1944. On le trouve rapidement en troisième position de la hiérarchie du par Parti, derrière Thorez et Duclos.

    La chute et l'exclusion

    Si, dès 19747, des traces de mise en cause des orientations politiques de Marty sont visibles, c'est en décembre 1952 que le Comité Central raye Marty de ses rangs et prononce son exclusion. Il est accusé de « travail fractionnel » (ce qui consiste à organiser un deuxième parti dans le parti), refusant de faire son autocritique et enfin soupçonné de complicité avec la presse non communiste qui s'acharne contre le Parti. En quelques jours, il est mis à bas, calomnié, sali.Marty nie évidemment ces accusations mais « l'Humanité ¯ ne publie aucune de ses mises au point.Retiré un laps de temps à Catllar, près de Prades, Marty y vit en compagnie d'une jeune fille qu'il adopte, sa secrétaire, dont le père avait été tué en Espagne. Dépouillé de tout, réduit à l'impuissance, n'existant plus politiquement, il écrit le livre qu'il intitule « L'Affaire Marty », publié en 1955 et dans lequel il développe son argumentation. « Cela prouve, dit-il, que le coup a été monté par les ennemis des travailleurs, non seulement contre ma personne, mais surtout contre le mouvement révolutionnaire français ». Atteint d'un cancer du poumon, André Marty décède à Toulouse, le 22 novembre 1956. A plusieurs reprises, des tentatives de réhabilitation seront lancées, sans succès.

    Article paru dans La Semaine du Roussillon