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Frontière et contrebande

Frontière et contrebande en Roussillon au XIXème siècle

L'histoire de la frontière et de la contrebande sous-entend un problème plus large, celui de la continuité des courants, des liens étroits après le Traité des Pyrénées de 1659 entre les deux Catalognes : pour les frontaliers des Pyrénées-Orientales, la frontière n'existe pas comme il n'y a pas de contrebande et le Roussillon demeure catalan : on vit de façon semblable des deux côtés de la frontière. S'il y a une vraie coupure, elle se situe aux Corbières : ici la civilisation est différente, la langue. Les courants économiques poussent toujours les hommes à regarder vers le Sud, et les limites imprécises de la frontière en Haut-Vallespir, en Cerdagne autour de Palau et de Llivia facilite en cela l'activité de la contrebande. Jusqu'au blocus continental, la douane et les pouvoirs politiques ferment les yeux.

Le XIXème siècle naissant va voir changer l'état d'esprit des pouvoirs publics : d'abord la contrebande se transforme, ce n'est plus le sucre ou le tabac qui constituent l'essentiel du trafic mais bien ce qui est en jeu, la maîtrise industrielle du pays ; la contrebande aide au développement industriel de la Catalogne par l'exportation illégale de métiers à tisser Jacquard, par le débauchage d'ouvriers français.

Les troubles espagnols aidant, l'insécurité s 'accroît le long de la frontière, des bandes armées à l'images des célèbres Trabucayres sèment la terreur: le contrebandier devient un homme dangereux.

Frontière et contrebande 

Un contrebandier (A.D. Pyrénées-Orientales)

La frontière dès lors s'impose aux yeux des Roussillonnais, elle représente une ligne de protection contre les troubles espagnols : elle devient peu à peu la prise de conscience d'appartenance à une réalité différente.

C'est en 1830-1850 que le Roussillon découvre que son destin désormais est au Nord, le chemin de fer de Narbonne à Perpignan y pourvoira. 

Frontière et contrebande

En Cerdagne, douaniers français en embuscade (A.D. Pyrénées-Orientales)

La Frontière

Qui dit contrebande dit frontière. Celle-ci doit être étudiée en tenant compte du contexte historiques et géographique.

La Convention de Céret en 1660, à la suite du Traité des Pyrénées, délimite la frontière : celle-ci court en principe le long des lignes de crête et de partage des eaux, sauf pour trois zones qui y échappent. En effet, la plaine de Cerdagne est séparée en deux par l'enclave de Llivia, le Cap Creus revient à l'Espagne et le Haut-Vallespir est artificiellement découpé. Ces tracés imprécis favorisent au XIXème siècle la contrebande.

A cela s'ajoute l'absence de bornes sur la frontière jusqu'en 1870 qui entraîne des conflits quotidiens : ainsi les habitants de Llivia viennent chercher du bois en France, des soldats français dressent les embuscades sur le versant espagnol, des violences sont commises par des garde-côtes espagnols dans les eaux françaises …

Cependant, peu à peu, la frontière s'inscrit non seulement dans le paysage géographique,

mais aussi dans les esprits et finit par devenir une réalité au point de faire de l'espace frontalier une terre d'asile pour les réfugiés politiques français et espagnols. 

Frontière et contrebande

Le Perthus – Poste des carabiniers Espagnols (Collection Jean Josset)

La contrebande

Sous le Premier Empire, la frontière est pour la première fois effectivement fermée en raison de la guerre en Espagne et du blocus continental. La contrebande se développe alors de façon considérable pour alimenter la France en produits tropicaux manquants (sucre, café...). Les routes du Roussillon, propices au trafic, sont nombreuses.

Quatre zones servent de plaques tournante :

- La Côte Vermeille à partir de Banyuls-sur-Mer, véritable cité contrebandière où presque toute la population s'adonne au trafic et n'hésite pas à intimider la douane en incendiant ses bateaux

- Le Vallespir où les liens économiques avec le reste de la Catalogne sont étroits

- Le Conflent autour du Massif du Canigou

- La Cerdagne à partir de Llivia, de la vallée du Carol et du Puigcerda.

Frontière et contrebande

Borne frontière dite de la Vignole entre Enveitg et Puigcerda 

Les contrebandiers sont issus de tous les milieux sociaux avec en majorité de petites gens. Ils n'agissent pas uniquement seuls, mais s'organisent aussi en bandes imposant leur loi dans les villages du Vallespir.

Les contrebandiers, devant l'importance des bénéfices, affrontent avec hardiesse les dangers naturels, rivières en crue, avalanches et froid hivernal, qui font chaque année de nombreuses victimes. En outre, les fréquentes embuscades des douaniers accroissent les risques pour les contrebandiers, mais aussi pour les douaniers.

Dans la première moitié du XIXème siècle, la contrebande se transforme peu à peu en trafic à grande échelle. Ce trafic est d'abord industriel avec le développement de l'industrie catalane autour de Barcelone qui entraîne les industriels catalans à importer illégalement des métiers à tisser ou des fours à fonderie et à débaucher des ouvriers français. Mais, avec les troubles dynastiques et la guerre civile espagnole de 1830 à 1870, la contrebande se spécialise dans le trafic d'armes. La douane roussillonnaise multiplie donc les saisies malgré les caches nombreuses, ici une grotte, là un cimetière, plus loin des auberges.

Des bandes armées s'installent le long de la frontière et le contrebandier traditionnel, bien inséré dans la population locale, cède la place à un personnage trouble et dangereux.

Face à cette menace permanente, les interventions fréquentes des douaniers transforment la frontière, zone de circulation, en une véritable ligne de séparation imposée aux Roussillonnais.

Frontière et contrebande 

Une cabane de contrebandier (A.D. Pyrénées-Orientales) 

Article paru dans la Semaine du Roussillon 

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