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  • Le camp de Rivesaltes

    L'entrée du camp

    Entre 1940 et 1942, le camp Joffre, dît camp de Rivesaltes, dans les Pyrénées-Orientales, est utilisé comme lieu d'internement et de transit pour les Républicains espagnols, les antinazis venus se réfugier en France, les tziganes et les juifs. Il est occupé par l'armée allemande à partir de novembre 1942. Après la guerre, y sont détenus les collaborateurs et des trafiquants du marché noir, ainsi que les prisonniers de guerre allemands. De 1962 à 1966, les harkis et leurs familles y sont regroupés. Aujourd'hui, l'histoire, les mémoires et la volonté des hommes ont réveillé ces lieux laissés à l'abandon pour bâtir un musée-mémorial. 

    Le camp de Rivesaltes 

    Les baraques

    Face à la beauté du Canigou, cette steppe aride est devenue le no man's land des promeneurs et des chasseurs, mais aussi un terrain propice à divers projets d'aménagement. Cependant, les traces du passé demeurent. Les précaires baraques disloquées par le temps et les pillages résistent, témoignent et nous interrogent : que s'est-il passé ici ? À partie de 1939, la construction du camp Joffre, sur 612 hectares, relève d'un décision militaire à l'étude depuis plusieurs années, d'établir sur ce site un centre de transit et d'instruction des troupes coloniales. Cette vocation militaire qui perdure jusqu'à nos jours va côtoyer, au gré de l'histoire, d'autres missions : l'internement des populations civiles et des soldats vaincus. Ce camp deviendra le dénominateur commun de ceux que la France considéra comme « indésirables », les internant non pour des délits commis sur son territoire mais pour le risque qu'ils étaient susceptibles de représenter. C'est à ce titre que 600000 personnes furent internées, en France, de 1938 à 1946, dans 200 camps. Rivesaltes n'est donc pas unique, mais appartient à ce réseau de lieux de relégation et d'exclusion qui maille cette période de notre histoires comme Gurs, les Milles, le Vernet, Drancy… Sa longévité fait une exception puisqu'il est témoin des drames successifs su XXème siècle : la guerre d'Espagne, la Seconde Guerre mondiale et la Shoah, la guerre d'Algérie.

    En 1939, les camps des plages du Roussillon, ouverts en catastrophe pour interner les réfugiés de la guerre civile espagnole, sont surpeuplés. Dès 1940, les autorités vont, d'une part, faire avancer la construction du camp par ces travailleurs étrangers et, d'autre part, répartir peu à peu les familles d'exilés dans les nouveaux baraquements du camp militaire. Durant la période de Vichy, le camp deviendra le lieu d'internement et de transit pour les ressortissants étrangers, antinazis venus se réfugiés en France, juifs étrangers et tziganes.

     

    Le camp de Rivesaltes

    Des enfants dans le camp

    En janvier 1941, il prend le titre officiel de « centre d'hébergement de Rivesaltes » ayant la particularité de rassembler les familles, mais sans les regrouper, puisque hommes, femmes et enfants sont répartis dans des îlots différents. Les conditions de vie sont déplorables, la faim sévit, entraînant des cas de cachexie particulièrement graves pour les enfants ; l'insalubrité est chronique ; épidémies et vermine règnent. Seulement les œuvres de secours apportent quelque réconfort aux internés. En août 1942, la nasse se referme sur les juifs de la zone sud et Rivesaltes devient « centre régional de rassemblement des israélites ». Malgré la commission de « criblage » (commission chargée de retirer des listes les personnes considérées comme « non déportables » et le combat des œuvres de secours, neuf convois partiront entre août et octobre pour Auschwitz via Drancy, emportant vers la mort plus de 2300 personnes.

    En novembre 1942, le camp d'internement est définitivement fermé, pour faire place à l'armée allemande qui l'occupe jusqu'en août 1944. Après la guerre, il devient un centre de séjour surveillé pour les personnes internées dans le cadre de l'épuration (trafiquants du marché noir, collaborateurs) et jusqu'en mai 1948 il sera le « le dépôt 162 des prisonniers de guerre de l'Asie jusqu'à 10600 personnes, des Allemands principalement, dans des conditions très dures. À partir de 1962, l'histoire du camp croisera celle de la guerre d'Algérie, puisqu'il sera choisi comme lieu de transit pour les harkis et leurs familles après avoir servi de centre pénitentiaire pour les membres du FLN. Entre 1962 et 1964 environ 20000 personnes seront hébergées dans des conditions toujours aussi déplorables. Les dernières familles quitteront le camp en 1966 ( Il faut noter que, de 1985 à 2007, un îlot sera transformé à nouveau en centre de rétention administrative).

    Depuis la parution en 1978 du Mémorial de la déportation des Juifs de France, dans lequel Serge Klarsfeld mettait en évidence la place de Rivesaltes dans l'engrenage de la Shoah, et la menace, en 1997, de destruction du camp, de nombreuses voix se sont élevées pour sortir cette part d'histoire de l'oubli. Enseignants, journalistes, historiens, anciens internés, témoins, habitants, cinéastes, élus… se sont relayés pour éviter cette disparition programmée.

    En 1998, un collectifs de citoyens lance une pétition « Pour la mémoire vivante du camp de Rivesaltes », qui sera signée par plus de mille personnes dont Égard Morin, Simone Veil, Michel Boujenah, Claude Simon… Le président du Conseil général des Pyrénées-Orientales Christian Bourquin propose de relayer cette démarche parvenant ainsi à faire annuler la destruction du site. Dès 2000, l'îlot F (42 hectares) est inscrit à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques et le Conseil général s'engage dans un processus de création d'un musée mémorial. Il s'entoure alors des compétences de Denis Peschanski, historien chercheur au CNRS, qui accompagne, depuis le projet et rassemble autour de lui un conseil scientifique d'envergure.

    Le camp de Rivesaltes

    Le camp îlot F

    En 2005, le Conseil général fait l'acquisition de l'îlot F et lance le concours dont l'architecte Rudy Ricciotti sera le lauréat grâce à une proposition audacieuse et particulièrement respectueuse du site. Dans le même temps, une mission de préfiguration permet de structurer la projet et de le lancer, sous l'égide du conseil scientifique, la recherche historique nécessaire à l'élaboration du contenu scientifique et muséographique. Un service pédagogique, soutenu par l'Éducation nationale est mis en place en 2006. Ce projet qui s'inscrit dès lors dans le réseau des lieux de mémoire et d'histoire, se consolide aussi par les conventions de partenariat avec le mémorial de la Shoah, le musée de la croix-Rouge, le musée-mémorial de l'Holocauste à Washington. La connivence avec les institutions espagnoles est très forte, compte tenu de la proximité géographique de la présence au niveau régional de nombreuses familles d'origine espagnole issues de l'exil, et surtout du développement de la politique mémorielle relative à la guerre civile et ses conséquences, impulsée depuis plusieurs années. Cet intérêt se traduit par une augmentation constantes des visites scolaires et associatives en provenance de Madrid et Barcelone. Ce travail mené en amont du projet architectural, permet d'expérimenter une médiation culturelle adaptée aux différents publics en s'appuyant sur les cérémonies commémoratives, les événements tels que les journées européennes du patrimoine, des expositions ou colloque organisés en partenariat avec d'autres institutions. Cette phase de préfiguration, qui, en 2010, sera accompagnée par la finalisation du projet architectural et muséographique, a pour ambition la sensibilisation et la constitution du futur public du musée-mémorial par le partage des savoirs et la rencontre des mémoires.

    Article paru en février 2010 dans « Les Chemins de la Mémoire »


  • Dans la série d’émissions « détour(s) de mob » de Laurent Sbasnik où nous sommes plongés dans le sillage du parcours en mobylette de François Skyvington, poète du quotidien, amateur de rencontres et d’insolite.

    Et cette fois-ci, le sujet de l’émission était consacré à notre beau Pays Catalan ! Langue, culture, traditions, bref la culture catalane : au guidon de sa Mob, François part à la rencontre de ceux qui font toujours vibrer cette forte identité, au son de la cobla.

    Vous retrouverez cette émission de 26 min, enregistrée sur le site d’ARTE :

    http://www.arte.tv/guide/fr/045468-020/detour-s-de-mob

    Vous verrez ainsi dans l’ordre :

    1°) La restauration d’un sardinal (bateau à voile latine, voué à la pêche à la sardine), et visite d’une baraque de pêcheurs sous la conduite de l’Association “Bonança” du côté de St-Hippolyte.

    2°) La fabrication de l’espadrille et surtout de la vigatane à St-Laurent-de-Cerdans.

    3°) De la vigatane à la sardane, il n’y a qu’un pas comme vous le démontrera Joseph Vidalou, cofondateur et président renommé du “Foment de la sardane de Céret”, sur l’air de “la Santa Espina”.

    4°) A Espira de Conflent un beau retable catalan, et un atelier de restauration.

    5°) La fabrication du véritable couteau catalan par un “coutelier-forgeron” du côté de Bouleternère.

    6°) Sous le signe emblématique “sang et or”, l’équipe féminine de l’USAP conclut notre visite.

     


  • Les étangs de la Pradella et Negre sont deux bijoux lacustres dissimilés sous la renommée du lac des Bouillouses. Une bonne initiation à la randonnée pour tous.

     Les estanies de la Pradella et Negre

    Estany de la Pardella

     Les estanies de la Pradella et Negre

    Estany Negre

    Depuis le col del Pam à 2005 m, partir à gauche (un panneau balisé en jaune indique l'estany de la Pradeille). Une large piste monte vers le téléski puis tourne à droite au Bac de la Molina (2045 m, 10 min). A partir de là, la large piste descend, parfois de façon abrupte sous le télésiège des Avellans. Mais on découvre toute la vallée de Barrès avec en haut le Roc d'Aude, la route qui monte au lac des Bouillouses à droite. Dans la forêt communale de Bolquère, des cerfs ou des isards apparaissent parfois. En face, à l'ouest, le sommet aux 2921 m du Carlit surgit déjà. Après être passé sous le télésiège du Diable, on parvient à un replat où s'arrête la piste (1940 m, 20 min). Il faut s'engager dans un layon tortueux balisé en bleu qui continue de descendre. A gauche, les troupeaux de vaches ont envahi les pacages. On serpente entre les grands sapins. On traverse un gué, Puis on parvient à l'intersection du GR 10 qui arrive de la droite (1880 m, 40 min). Il faut continuer à gauche, balisé en rouge et blanc. A partir de là, le sentier se transforme en piste caillouteuse qu'il faut remonter jusqu'au replat qui domine l'étang de la Pradeille (1991 m, 1 h).

    Descendre vers la droite pour trouver sous les pins à crochets un coin de pique-nique ou de pêche en admirant la presqu’île à l'ouest du lac ou le panorama sur les crêtes de la Cerdagne et du Capoeira, notamment le Carlit, les deux Péris. Continuer à suivre le sentier d'interprétation en sous-bois plein est, entre les parterres de rhododendrons et les roches granitiques. Au bout de 15 min de descente dans la forêt de Olivia (car les bergers de l'enclave ont eu droit lors du traité des Pyrénées en 1659 à venir faire pâturer leurs bêtes dans la forêt de Bolquère!), les eaux de l'estany de Negre se dévoilent plus dormantes et moins profondes que celui de Pradeille (1970 m, 1h15). Ici, très peu de promeneurs le fréquente. L'ambiance est sauvage.

    Ceux qui ont encore du temps, prendront 40 minutes de plus pour aller-retour pour admirer l'estany Lara. Sinon, retour par le même itinéraire, en s'arrêtant pour caresser les chevaux ou écouter la faune sauvage : 2h20 au col del Pam, après la remontée.

    Les estanies de la Pradella et Negre

    Col del Pam

    Article paru dans La Semaine du Roussillon


  • Pour le dernier volet de cette brève évocation des premiers comtes qui eurent à gérer les terres catalanes [1], je voudrais vous convier à une cérémonie. Et non des moindres : l’inhumation de Guifré el Pelos. Quelques jours plus tôt, le 11 août 897, dans les collines situées au Nord de Valencia, l’accrochage avait été violent avec les hommes de Llop ibn Muhammad. Violent et fatal au comte. D’autant plus violent, sans doute, que les deux adversaires représentaient les exacts inverses. D’un côté, le chef pyrénéen, peut-être même catalan, mais rallié aux Sarrasins, et menant pour eux d’incessants assauts contre les frontières que les Francs avaient instaurées, bien au sud de Barcelone, presque un siècle plus tôt. De l’autre, celui qui n’avait eu de cesse, depuis 27 ans, d’émanciper les comtés catalans de la tutelle franque et de consolider le pouvoir, y compris territorial, de sa dynastie naissante. Il y avait d’autant mieux réussi qu’en Francie, au fil des décennies, le pouvoir carolingien s’était peu à peu délité. Guifré était né dans les dernières années du règne de Louis le Pieux, fils de Charlemagne et comme lui Empereur d’Occident. Il mourut alors qu’à Paris les Carolingiens ne possédaient même plus le pouvoir, au profit du Robertien Eudes, que les nobles avaient préféré au trop jeune Charles [2].

    Entre-temps, Barcelone était devenue l’incontestable capitale d’une aire catalane qui ne devait désormais rien à qui que ce soit, et dont l’autorité était autant politique que religieuse et militaire.

    Ils n’étaient sûrement pas conscients de ces enjeux, les centaines d’habitants qui, n’en doutons pas, se pressaient aux alentours du monastère Santa Maria de Ripoll, lieu de l’inhumation, quelques jours après la fatale bataille. Ils ressentaient sans doute cette vague mais entêtante peur de l’avenir qui étreint les peuples lorsque disparaît celui qui, depuis tant d’années, dirige leurs destinées. Guifré avait ramené la paix sur les terres catalanes. Elles étaient désormais en sécurité ; elles s’étaient repeuplées ; l’agriculture, le commerce, l’économie en un mot, y avaient repris leurs droits ; la religion chrétienne, enfin, y était partout triomphante, comme en témoignait le monastère lui-même, flambant neuf, que le comte avait fondé moins d’une décennie plus tôt. Et si les paysans et les notables de Ripoll, ainsi que ceux qui avaient convergé de plus loin, au fur et à mesure qu’avait enflé la rumeur de la mort du comte, priaient avec ferveur, c’était pour que cela continue. Pour que leurs prières inspirent celui, ou ceux, que l’avenir verrait succéder au Pelos. Mais qui ? Nul ne le savait. Un enfant de Guifré, bien sûr ; mais lequel ? Il en avait eu tant, qui tous étaient désormais rassemblés à l’intérieur du monastère, autour de leur mère la comtesse Gunidilda !

    La veuve du comte, à l’intérieur du monastère, conduisait le deuil. Elle avait environ 55 ans, et toujours, pendant ses années de règne, Guifré l’avait associée au pouvoir. En cette fin du IXe siècle, l’heure n’était pas encore aux épouses effacées, recluses dans leur fonction reproductrice. Il fallait être une forte femme, pour être comtesse ; et nul doute que Gunidilda le fut, omniprésente dans les chartes datant du règne de son époux.

    Pourtant, au moment de porter ce dernier en terre, elle savait sans doute déjà que son temps était passé. Tous ses enfants, rassemblés autour d’elle en ce jour d’août 897, avaient atteint l’âge adulte. Il n’y aurait pas à attendre leur majorité ni à assumer à leur place les charges comtales. Sa génération devait laisser la place, désormais. De fait, Gunidilda suivit d’assez peu son mari dans la tombe : sans doute dès l’année suivante, puisqu’une charte du 18 février 899 nous est parvenue, qui règle la possession des biens de la défunte comtesse.

    Autour d’elle, devant le cercueil de Guifré, leurs neuf enfants (peut-être dix) survivants. On ne sait rien, bien sûr, des liens affectifs qui partageait sûrement cette imposante fratrie. Mais on peut néanmoins la diviser en trois groupes, aux fonctions et au destin bien différents. Aux côtés de Gunidilda, les plus proches d’elle pendant la cérémonie funèbre, Radulfe et Emma. Lui, parce qu’il est le maître des lieux en tant qu’abbé de Ripoll ; elle, parce qu’elle est abbesse de Sant Juan de les Abadesses, autre monastère fondé par ses parents. Tous deux furent voués à la religion dès leur plus jeune âge ; tous deux furent désignés par leurs parents pour être les premiers abbés de leur monastère respectif (Radulfe le quittant plus tard pour la charge d’évêque d’Urgell) ; tous deux vécurent jusqu’au début des années 940, sans participer de façon notable au destin politique des terres catalanes. Mais leur abbatiat y contribua grandement à la prospérité de la foi chrétienne, et fut pour beaucoup dans le prestige considérable, par la suite, des deux monastères. On sait que Radulfe eut deux fils [3], d’une femme dont nous ignorons tout : l’un mourut jeune, et l’autre n’eut semble-t-il qu’une fille, qui devint moniale à son tour. Ni lui, ni Emma, donc, n’eurent de descendance identifiée durant les siècles suivants.

    Un peu en retrait parmi les enfants du défunt comte, se tenaient ensuite trois (peut-être quatre) filles. Comme souvent dans les dynasties du Haut Moyen Âge, on ne connaît leur existence que par une fugace mention au détour d’une charte. Sans savoir ni leur date de naissance, ni leur éventuel destin matrimonial, ni bien sûr leur descendance. Il y eut au moins une religieuse (une autre !) parmi elle : Cixilona, dont une charte nous apprend le décès et l’inhumation, en mai 945 à Granollers [4]. Sa soeur Ermesinda vivait encore au 13 juin 921, mais la troisième sœur Riquilda était déjà décédée au 19 avril 925. C’est tout ce que l’on sait d’elles. Sans doute ces dernières furent-elles mariées à des notables ou de petits nobles catalans, pour s’attacher leur fidélité à la famille comtale [5]. Un destin classique de filles cadettes, en des temps où primait le besoin de consolidation du pouvoir dans l’aire catalane. Et c’est parce que leur vie fut bien discrète qu’on peut douter de l’existence d’une quatrième soeur, nommée Gunidilda comme sa présumée mère, et qui aurait été l’épouse de Raymond II, comte de Toulouse [6]. Outre que la dynastie raymondine ne faisait pas vraiment bon ménage avec les comtes catalans, il n’y a pas assez d’indications, historiques ou archivistiques, pour authentifier qu’un aussi prestigieux mariage ait pu être conclu par les comtes de Barcelone.

    Quoi qu’il en soit, ceux qui en ce jour de deuil, et jusque dans le choeur de l’église du monastère, retiennent toute l’attention sont les quatre fils laïcs de Guifré. Ce sont eux qui vont se partager son héritage. Ce sont eux dont la descendance va peu à peu s’allier à toutes les familles régnantes de l’époque. Ce sont eux qui vont assurer la postérité et le prestige de la maison comtale de Barcelone, issue d’el Pelos. En tête, marchait celui dont le prénom indique qu’il était très probablement l’aîné des fils : Guifré Borrell [7]. C’est lui qui hérita du titre de Comte de Barcelone, Gerone et Osona, avec une nette prééminence sur ses frères. C’est lui qui, en 899, se rendit à Tours-sur-Marne pour rencontrer le roi des Francs, Charles le Simple et l’assurer de sa fidélité [8]. C’est lui toutefois qui mourut le premier, dès 911, âgé d’une quarantaine d’années seulement. La Gesta Comitum Barcinonensium [9] affirme qu’il est mort empoisonné, mais aucun élément ne vient corroborer cette assertion. Quoi qu’il en soit, assassiné ou pas, Guifré Borrell laissait une fille unique, Riquilda, encore enfant. Sa mère était une comtesse Garsenda. Comme toujours, l’origine familiale de celle-ci n’est jamais mentionnée dans les rares textes de l’époque qui nous soient parvenus. C’est par déduction [10] qu’il faut procéder pour tenter de l’identifier. L’hypothèse la plus probable, même si elle n’est pas exempte d’incertitudes, est qu’elle serait issue de la famille des comtes d’Ampurias i Rosselló, fille de Sunyer II [11]. Devenue veuve, elle fit remarquablement prospérer sa lignée, puisque Riquilda fut mariée, dès avant 924, à Eudes (ou Odon), premier vicomte de Narbonne dont on soit certain qu’il porta ce titre, et dont les descendants s’allièrent à maintes familles d’Occitanie et du Languedoc. Par la suite, Garsenda rejoignit sa fille à Narbonne, où toutes deux moururent durant les années 950.

    Le premier frère cadet de Guifré Borrell était Miro [12]. Lors du décès de leur père, il se vit attribuer les terres de Cerdagne, de Conflent et du Bergueda, même s’il semble avoir aussi porté pendant quelques temps le titre de comte de Barcelone, en commun avec son aîné. Mais contrairement à ce dernier, Miro semble s’être marié en dehors du cercle familial. Les avis divergent, comme toujours, sur les origines de la comtesse Ava, épousée vers 910. Pour les uns, elle était fille d’un comte de Ribagorza ; pour les autres, fille d’un aristocrate local, le lévite Fidel ; si une parenté (que rien n’indique) la liait à Miro, elle passait en tous les cas par sa mère, sur laquelle on ne sait rien. Plusieurs enfants (six ? huit ? là encore les historiens ne sont pas d’accord, car Miro eut aussi des enfants de sa maîtresse et cousine germaine Vigilia) naquirent du couple, dont elle eut à gérer les biens au décès précoce de son mari, en août 927. Elle se révéla jusqu’à sa mort, en 961, une comtesse extrêmement active, matant les révoltes de nobles, gérant le patrimoine foncier de ses quatre fils, dont deux moururent sans descendance. C’est au troisième d’entre eux, Oliba, que revinrent les titres qu’avait possédés Miro. Un personnage haut en couleur, physiquement contrefait [13], guerrier qu’on disait brutal, mais qui finit sa vie comme moine au monastère italien de Monte Cassino, en 990. Par lui, Miro et Ava furent les souches des dynasties de Cerdagne et de Besalu, qui s’allièrent à de nombreuses familles pyrénéennes, catalanes et languedociennes, et fournirent plusieurs évêques aux diocèses environnants.

    Bien plus modeste apparaît la postérité du troisième fils laïc d’el Pelos, Seniofred. Il faut dire qu’il est le moins connu de tous. À la mort de son père, il devint comte d’Urgell, et il ne semble pas être beaucoup intervenu dans les querelles de ses frères et belles-sœurs. Peu de chartes le mentionnent, et toujours avec son seul titre d’Urgell, jusqu’à sa mort en 948. Selon toutes les sources, il n’eut que deux fils, Borrell et Ermengol, vraisemblablement morts avant lui, même si sa veuve est parfois présentée avec d’autres enfants [14]. De longs débats ont agité les historiens sur l’identité d’Adalaiz, épouse de Seniofred à partir des années 910-915. Longtemps, on a cru qu’elle était la nièce de son mari [15]. La découverte de nouveaux documents, et une chronologie mieux maîtrisée des générations successives de la famille comtale, ont désormais disqualifié cette union incestueuse. Il se pourrait bien, en fait, qu’Adalaiz soit Adélaïde, fille d’Ermengaud de Rouergue, comme tend à le montrer l’apparition du prénom Ermengol dans la famille. Les plus jeunes des fils de Guifré el Pelos avaient abandonné l’endogamie assidûment pratiquée par leurs aînés.

    Car le dernier des fils laïcs du premier comte de Barcelone, peut-être même le plus jeune de ses enfants, s’est aussi marié, selon toute vraisemblance, hors de Catalogne. En 897, Sunyer n’était sûrement plus un enfant, mais il n’était pas encore assez âgé pour prendre la tête d’un comté. Celui de Besalu lui fut destiné, alors dirigé par son oncle. Mais la mort précoce de Guifré Borrell, qui l’avait gardé auprès de lui, en fit le nouveau comte de Barcelone, profitant sans doute de l’éloignement de ses frères. Quelques années plus tard, Sunyer abandonna toute prétention sur le comté de Besalu en échange de la renonciation de ses frères à celui qu’il détenait. C’est donc par lui que continua la dynastie des comtes de Barcelone, à la prolifique descendance, alliée à la plupart des familles nobles du midi français et de l’Espagne non sarrasine. Sunyer avait inauguré les mariages extérieurs de la lignée comtale en épousant, sans doute entre 905 et 910, une certaine Emilde, vraisemblablement issue de la famille des comtes de Gévaudan [16]. Veuf vers 917, il se remaria avec Richilde, très probable soeur d’Adélaïde de Rouergue, l’épouse de son frère Seniofred ; c’est cette dernière qui lui aurait donné les cinq enfants qu’il laissa à sa mort. Sa double mort, en fait, puisqu’en 947, Sunyer avait abandonné tous ses titres pour se retirer au monastère de Lagrasse, celui-là même dont son grand-père maternel avait été l’abbé, presque un siècle plus tôt. Il y mourut trois ans plus tard, en 950.

    Réunis autour du cercueil de leur père défunt, en ce jour d’août 897, les enfants du défunt comte avaient-ils conscience du considérable destin qui les attendait, ainsi que leurs descendants ? Certainement pas. Mais peut être eurent-ils une pensée rétrospective vers le petit village de Ria, au coeur du Conflent, qu’aucun d’entre eux ne connaissait sans doute, mais qui avait vu naître, presque 60 ans plus tôt, celui qui avait su bâtir le premier État catalan indépendant de toute allégeance extérieure : Guifré, Marquis des Marches d'Espagne, Comte de Barcelona, Girona, Osona, Cerdagne et Urgell … surnommé el Pelos.

    Les premiers comtes catalans (III)

    [1] Là encore, comme pour les articles précédents, je me tiens à la disposition de tous ceux qui souhaiteraient avoir des informations plus précises sur tel aspect que j’aurai évoqué. Il m’a fallu considérablement simplifier des développements qui, sans cela, auraient été à la fois trop longs et trop abscons.

    [2] Qui ne deviendra roi qu’en 898, à 19 ans, sous le nom de Charles III le Simple, sans qu’on sache réellement si ce surnom se voulait péjoratif ou pas.

    [3] On rappellera que le célibat des religieux n’a été réellement effectif qu’à partir du XIIe siècle. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que Radulfe ait eu une femme et des enfants. On ne sait pas, en revanche, si l’absence de descendants connus d’Emma tient à une lacune archivistique, ou à un réel célibat.

    [4] Un peu au Nord de Barcelone.

    [5] Martin Aurell, dans Les noces du comte, suggère que Riquilda était elle aussi devenue religieuse, après s’être donnée à Sant Joan de les Abadesses avec tous ses biens, en 900.

    [6] Thèse avancée dans les tableaux généalogiques des Europäische Stammstaffeln, qui retracent les lignées nobles de tout le Haut Moyen Âge dans l’ensemble de l’Europe.

    [7] Il était d’ailleurs sûrement appelé simplement Borrell, selon la coutume de l’époque qui voulait que le fils aîné portât le prénom de son grand-père paternel. Le prestige de son père ayant atteint une renommée considérable, le prénom paternel lui fut par la suite ajouté.

    [8] Tours-sur-Marne se trouve près d’Épernay, ce qui représente un voyage considérable pour l’époque. Guifré Borrell fut le dernier comte de Barcelone à se prêter à cette visite d’allégeance au roi de France.

    [9] Fresque relatant l’histoire de la famille comtale de Barcelone, écrite à partir du XIIe siècle par des moines de Santa Maria de Ripoll. Comme tous les récits de ce type, il lui est fréquemment arrivé d’arranger la vérité, pour augmenter la gloire de la famille.

    [10] Déduction ne voulant pas dire divination, c’est notamment par l’étude onomastique des prénoms portés dans les familles, ou par l’étude patrimoniale des biens transmis dans les chartes, que procèdent les spécialistes pour identifier l’origine des épouses.

    [11] Celui-ci était cousin germain de Guifré el Pelos, ce qui fait de Guifré Borrell et Garsenda des cousins issus de germains. Une alliance endogamique conforme aux usages de la famille comtale à cette époque.

    [12] Les historiens le connaissent sous le nom de Miro el Joven, pour le distinguer de son oncle paternel homonyme, comte de Conflent et du Roussillon, décédé un an avant el Pelos.

    [13] Entre autres défauts physiques, il bégayait. La légende veut que lorsque les mots butaient, il s’énervait en frappant du pied, comme une chèvre affolée ; cette particularité lui valut le surnom de Cabreta (petite chèvre).

    [14] Ceux-ci sont très certainement de Seniofred, pourtant, vu l’âge probable de sa veuve après le décès du comte d’Urgell.

    [15] Fille de son frère cadet Sunyer.

    [16] On ne la connaît que par un seul acte, ce qui complique considérablement son identification.

    Article de Patrick Dombrowsky (inséré sur mon blog avec l'aimable autorisation de l'auteur)

    Ce texte est paru dans Nissaga (Revue de l'Association Catalane de Généalogie)

     






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