• Une Catalane au destin politique national

    Mathilde Taurinya-Péri (1902-1981)

    Avec opportunité, elle fut propulsée par le Parti Communiste Français sur la scène politique pour porté haut le nom de son mari Gabriel Péri, fusillé par les nazis en 1941.

    Mathilde Taurinya naît le 7 juin 1902 à Canet-en-Roussillon où ses parents son de modeste s ouvriers agricoles. Sa mère, Rose, née en 1873, dotée cependant d'une bonne éducation, avait épousé contre son gré – mais à cette époque c'était le père qui ordonnait et à qui on obéissait – un paysan de qui elle divorcera plus tard et elle se retrouvera seule, vers 1904, avec trois enfants en bas âge : Pauline née en 1898, Albert en 1900 et Mathilde en 1902.

    Le temps de la première guerre mondiale passe, les enfants grandissent. En 1923, la sœur aînée, Pauline, adhère aux Jeunesses Communistes, elle a 25 ans et, quelques mois plus tard, elle épouse André Marty, originaire de Perpignan, qui est déjà un militant communiste très engagé.

    Repérée par les cadres du parti, Pauline est envoyée en 1932 à Moscou où elle recevra pendant deux ans une formation d'agent de liaison.

    En 1936, elle part pour l'Espagne avec son mari, élu député communiste en région parisienne et investi d'une importante responsabilité au sein des Brigades Internationales. On sait que André Marty, lors de la guerre civile en Espagne, s'y fera une réputation de « stalinien sanguinaire ».

    Pauline, en Espagne, rencontre un combattant républicain, Vicente Talens-Inglas, qui fut gouverneur de la province de Alméria et chef de la Sécurité de la ville de Valence.

    Elle en devient amoureuse et un enfant naîtra en 1937 de cette liaison, une fille appelée Pauline , comme sa mère. En 1938, André Marty et Pauline divorceront.

    Lors de la Retirada, après la victoires des troupes de Franco sur les Républicains, Pauline et sa fille, appelée familièrement Pépette, seront internées au camp de Rieucros, en Lozère. Ce camp recevra les combattants de la guerre d'Espagne, les étrangers et « les femmes indésirables et suspectes ».

    Entretemps, Mathilde, la sœur cadette, s'est mariée elle aussi en 1927 avec un militant communiste, Gabriel Péri, alors chef du service de politique étrangère du quotidien du parti « L'Humanité ».

    Leur vie commune sera interrompu en 1929 par l'emprisonnement de Gabriel Péri pendant un an pour raisons politiques. Il sera cependant élu député communiste en Seine-et-Oise en 1931 et réélu en 1936.

    Mères, filles et petite-fille internées à Rieucros

    Mais, là aussi, le couple Péri-Taurinya bat de l'aile, car dès le début de la seconde guerre mondiale, Gabriel Péri partage sa vie avec une journaliste, Sofia Jancu. Il n'est pas présent lorsque son épouse et la mère de cette dernière sont internées à leur tour au camp de Rieucros où elles retrouveront Pauline et sa petite Pépette. Tragique destin pour le père de Pépette, Vicente Talens-Inglas, qui sera fusillé le 20 juin 1940 à la prison Paterna de Valence, en Espagne.

    C'est à Rieucros que Mathilde Péri apprend l'arrestation de son mari par la Gestapo, le 18 mai 1941, et son exécution au Mont Valérien, le 15 décembre suivant. Sa dépouille, que nul n'a pu identifier avec certitude, a été enterrée sans identité quelque part dans un cimetière de la région parisienne.

    Les deux sœurs Taurinya, Pauline et Mathilde sont désormais veuves. Quelques heures avant sa mort, Gabriel Péri avait écrit ces mots à son avocate : « C'est vous qui annoncerez à Mathilde que je suis mort la tête haute. Dites-lui que j'ai eu un repentir : Celui de ne lui avoir pas toujours fait la vie sérieuse qu'elle méritait. Mais dites-lui de porter fièrement le voile de veuve ».

    Par la suite, traité en héros, le nom de Gabriel Péri sera donné à de nombreuses rues et place de France. Il y a une place Gabriel Péri à Perpignan.

    Malade à sa sortie du camp de Rieucros, Mathilde est placée en sanatorium puis elle part pour le Vercors où elle s'engage dans la Résistance.

    Députée et juge à la Haute Cour

    Sa carrière politique débutera lorsque le parti communiste, opportuniste, lui demandera de porter haut le nom de Gabriel Péri et en fera l'une des figures de proue en région parisienne. Membre de la commission politique désignée par le Comité Central début 1945, elle est d'abord déléguée à l'Assemblée consultative provisoire en 1944, députée aux deux assemblées constituantes de 1945 et 1946 puis élue députée de la 1ère circonscription de Seine-et-Oise (Argenteuil-Bezons) en 1946, 1951 et 1956. Elle sera vice-présidente de l'Assemblée Nationale en 1946-1947 puis en 1951 et présidente de l’Association des Familles de Fusillés.

    Le 4 juillet 1946, elle est désignée jurée à la Haute Cour de Justice, puis juge titulaire le 11 mars 1947. Le 17 juin 1951, c'est sous le nom de Mathilde Gabriel-Péri qu'elle est réélue, la liste communiste emportant 32,2% des voix. Mieux encore en 1956 où sa liste obtient 36,4% des suffrages. Le parti la présente comme « la veuve du grand patriote Gabriel-Péri, fusillé par les nazis ». A l'Assemblée Nationale, son activité de députée sera essentiellement consacrée à la défense des familles de résistants, déportés, fusillés et anciens combattants. Elle présentera des dizaines de propositions de lois contribuant à améliorer le traitement des pensions.

    Contrainte fin 1952 de condamner son ancien beau-frère André Marty ainsi que Charles Tillon, bannis de leur parti, elle le fera à contrecœur et en souffrira profondément, ce qui sera sans doute à l'origine d'une insidieuse dépression qui ne la quittera plus. Aux législatives de 1958, elle perd son siège de députée, ravi par le candidat gaulliste Claude Labbé.

    En décembre 1960, elle n'est pas en mesure d'assister aux cérémonies données en l'honneur de Gabriel Péri. La police « croyait savoir qu'elle était hospitalisée en région parisienne après avoir refusé de se faire soigner en URSS ».

    Mathilde Gabriel-Péri décédera à Boulogne-Billancourt le 15 décembre 1941, quarante ans jours pour jour après son époux.

    Le camp de Rieucros

     Mathilde Taurinya-Péri (1902-1981)      Mathilde Taurinya-Péri (1902-1981)

    Premier camp d'internement en France, il a été créé en 1938 par Daladier, alors président du Conseil, devant « la nécessité de mener une action méthodique, énergique et prompte en vue de débarrasser notre pays des étrangers indésirables ». Le 18 octobre 1939, les premières femmes, une centaine environ, arrivent au camp, devenu depuis le 12 octobre « camp disciplinaire pour femmes indésirables et suspectes ». En janvier 1941, on relève la présence de 39 enfants de moins de 14 ans mêlés aux détenus. Des membres de la famille de Georges Charpack, futur Prix Nobel de Physique, Emmanuel d'Astier de la Vigerie, François Billoux, ancien ministre, ont été internés à Rieucros. 

    Article paru dans la Semaine du Roussillon





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