• Catalogne : 75 ans de la "Retirada", au sud, un très discret anniversaire

    Il y a 75 ans, des centaines de milliers de réfugiés espagnols passaient la frontière. 

    En février 1939, il y a 75 ans, des centaines de milliers d’Espagnols ont fui vers la France. Du côté de l’Espagne, les commémorations sont rares.

    Le 8 février, il y a trois quarts de siècle, les habitants de Prats de Molló se réveillent, stupéfiés : sur le haut du Col d’Ares, une colonne ininterrompue de gens descend vers le village. Jusqu’au 12 février, 440 000 personnes franchiront la frontière à cet endroit-là, dont une centaine de milliers de Catalans. Le reste étant composé de ceux qui avaient déjà fui le sud de l’Espagne et s’étaient réfugiés en Catalogne.

    D’abord à Barcelone, puis à Gérone, à partir de la prise de la capitale catalane par les troupes séditieuses du général Franco, le 25 janvier. C’est à Gérone aussi que la plupart des Barcelonais se sont réfugiés et que se replient les gouvernements républicains, espagnol, basque et catalan, dans l’espoir fou que les pays démocratiques lanceront une offensive face à celle de Hitler et Mussolini, leurs avions ayant bombardé systématiquement Barcelone pendant toute une année, faisant 1 300 morts et 2000 blessés. Prélude et banc d’essai au bombardement de Londres, deux ans plus tard...

    La défaite de la Bataille de l’Èbre, suivie de la chute de Barcelone, sème la panique à Gérone. Tout le monde fuit vers la France ou vers les forêts environnantes... L’armée républicaine en déroute ferme les convois. C’est un défilé de pauvres hères. La France n’attendait que quelques 60 000 réfugiés... Derrière, les troupes franquistes les talonnent... et dès le 10 février, elles commencent à atteindre les Pyrénées et à bloquer les issues de secours.

    «Abandonnés deux fois»

    Soixante-quinze ans après, peu de monde tient à se souvenir en Catalogne. Paco Ibañez, fils de cet exode, a sonné le clairon des premières rares commémorations, dès le 28 décembre dernier au cours d’un concert à Tortosa: « Moi, je reste fidèle à tous ces gens abandonnés deux fois : par la mort ou l’exil, puis par l’oubli ».

    Car en cette année de vibrantes commémorations d’une Catalogne qui a décidé d’arborer l’image de future République indépendante, le souvenir de la défaite et l’horreur de l’exode n’ont pas leur place. Seuls les élus de la formation éco-socialiste Iniciativa per Catalunya-Esquerra Unida i Alternativa (ICV-EUiA) ont réclamé à leurs pairs une commémoration nationale en Catalogne. En vain.

    Quelques grandes villes, comme celle de Sabadell et gouvernées par le Parti socialiste, font exception. L’année 2014 y a été déclarée par son conseil municipal, Année de l’Exil Républicain, et sera marquée par une «manifestation de reconnaissance aux milliers de personnes qui se virent contraintes au départ ».

    Le musée de l'exil de la Jonquera à la pointe

    La Generalitat de Catalogne a largement confié au Musée-Memorial de l'Exil, installé à La Jonquera, le plus clair du souvenir des 75 ans de la Retirada, à travers quelques expositions et conférences. Parmi elles, l'exposition de l'artiste-peintre José Maria Guerrero Medina (jusqu'au 11 mai 2014), ou l'évocation, le 20 février à 21 h, des souvenirs de Francesc Vidal, complétées par un concert du chanteur Eric Fraj et du quartet Las Simples Cosas, qui interpréteront le célèbre chant révolutionnaire 'A las barricadas !'; et par une performance artistique, réalisée par Bernard Cauhapé.

    Le 18 février à 19 h, une conférence sera animée par Jordi Font, le directeur du Musée-Mémorial de l'Exil. Elle sera suivie de la projection du documentaire "Desde el silencio. El exilio republicano en el norte de África". Un colloque aura lieu avec Antonia Subirats, présidente de l'association "Fils et petits-fils de l'exil républicain".

    Le 18 mars à 19 h : la Culture catalane en exil par Maria Campillo, professeure de littérature catalane à lUAB (université autonome de Barcelone). Et ailleurs A Barcelone, l'historien Martí Marín, professeur d'Histoire Contemporaine à l'université autonome (UAB), fera une conférence sur les conséquences tragiques de la victoire franquiste sur la société catalane, le 13 février à 19 h à l'Auditori (Departament de Governació. Via Laietana, 26).

    Enfin, à Alicante (Communauté autonome de Valence), le 28 mars prochain, un navire prendra le départ du port à destination d'Oran en Algérie, en souvenir des 3 000 réfugiés qui montèrent à bord du Stanbrook, un navire marchand anglais. Le voyage durera 4 jours et les participants visiteront les camps de travail forcé et les quartiers d'Oran où vécurent les réfugiés. Cette traversée dramatique sera également évoquée le 21 février à l'université de Valence.

    Article paru dans l'Indépendant





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