• Au temps des banques familiales, de 1809 à 1924

    De nos jours, les banques familiales indépendantes ne sont plus très nombreuses. Elles furent cependant les premières de l'histoire et ont parfois donné naissance à de puissantes dynasties. Elles avaient su se construire en étroite collaboration avec l'économie réelle de leur région.

    Auriol Prosper Ambroise Eugène (1821-1870)

    Il naît à Perpignan le 5 avril 1821, fils de Bernard, originaire de Tuchan (Aude) et de Catherine Lloubes son épouse. Bernard Auriol et Jean-Jacques Lloubes (frère de Catherine) sont les fondateurs en 1809 à Perpignan, pendant l'Empire, de la banque Lloubes et Auriol. En 1843, Prosper intègre la banque familiale et en 1863, alors que les deux fondateurs sont morts et que son cousin Auguste Lloubes l'a rejoint, il en prend la direction.

    Auguste Lloubes, maire de Perpignan du 22 août 1848 au 4 août 1852, acceptera le coup d'État de Louis Napoléon du 2 décembre 1851. En 1866, Auguste Lloubes décède et la banque prend le nom de Banque Auriol.

    Son beau-frère Prosper a pris parti, lui, pour le camp républicain et il sera avec les Massot, Farines, Escarguel, Testory et Laffon actionnaire et cofondateur du quotidien L'Indépendant lorsque celui-ci renaît en 1868. Il soutient activement la candidature républicaine d'Emmanuel Arago aux législatives de 1869 contre les candidats officiels Justin Durand et Victor Calmettes. Les bonapartistes, inquiets de voir l'opposition républicaine s’affirmer dans le département, vont attaqué Arago qui a pourtant constitué un comité de soutien où figurent, selon Horace Chauvet, « les plus ardents démocrates » dont Prosper Auriol. L'élection sera cependant perdue par Emmanuel Arago.

    Lors de la chute du second Empire, le 4 septembre 1870, Lazare Escarguel devient maire de Perpignan et Prosper Auriol est membre de la commission municipale. Il y votera la levée de l'état de siège du département ainsi que la suppression des écoles primaires communales congréganistes de la ville de Perpignan où exerceront désormais des instituteurs laïques.

    Mais Prosper Auriol décède lui aussi prématurément le 9 novembre 1870, à l'âge de 49 ans. Il laisse son épouse Delphine, née Cazes et deux enfants en bas âge, trop jeunes pour prendre la direction de la banque. C'est Delphine qui, pour assurer l'avenir de ses enfants, décidera de poursuivre l'activité de la banque familial. Elle sera aidée dans sa mission par Isaac Lévy fondé de pouvoir de la banque et sur son propre frère Gustave Cazes, un spécialiste de l'économie viticole. L'établissement prend le nom Banque Veuve Auriol et fils.

    Au temps des banques familiales

    Prosper Ambroise Eugène Auriol et Delphine Auriol, née Cazes, sa femme

    Auriol Prosper Bernard Eugène (1821-1870)

    Né à Perpignan le 2 août 1861, il n'a que neuf ans quand son père décède en 1870. Nous avons vu avant que c'est Delphine, la veuve de Prosper Auriol père, qui reprend la succession de son mari et, entre 1870 et 1886, année où Prosper fils, 25 ans, entre dans l'affaire, il se trouve que la banque a réalise d'excellentes affaires. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, c'est le phylloxéra, en train de ravager le vignoble français qui sera le secteur principal de l'augmentation du chiffre d'affaires de la banque et aussi de ses bénéfices. Car, pour le moment, le phylloxéra épargne l'Aude et les Pyrénées-Orientales. Certains vignerons pensent même que notre région ne sera pas touchée.

    Comme le prix du vin a fortement augmenté, les propriétaires aisés étendent encore leurs vignobles. Ils s'endettent et la banque Veuve Auriol et fils est là pour satisfaire leurs ambitions. Au point que les inspecteurs de la Banque de France ne tarissent pas d'éloges sur elle et la définissent comme « une bonne maison, disposant de dépôts sûrs issus de la famille essentiellement ».

    Un autre atout important des Auriol est de compter parmi leurs principaux clients l'entreprise Bardou-Job, fabricant de papier à cigarettes. Après Prosper fils en 1886, son frère cadet Georges intègre également la société qui se constituera en Société en Nom Collectif (SNC) dont le capital est réparti entre la mère et les deux fils. Mais déjà, à cette époque, la viticulture est en crise.

    Après avoir atteint l'Aude, le phylloxéra est dans nos vignobles qu'il n'épargnera pas. 1881 sera l'année de la plus forte récolte de vin de tous les temps – 2200000 hectolitres sur une superficie de 80000 hectares – mais ce sera bien la dernière grosse récolte.

    La décennie 1890 verra de nombreuses affaires liées à la viticulture disparaître. Les banques en subiront les conséquences et chez les Auriol, leur surface financière et la faiblesse « des mauvais papiers », due à leur rigoureuse gestion leur permettra de résister.

    Première banque locale en Roussillon

    Après 1905, Jouissant d'une confiance absolue de la Banque de France, la banque Auriol est classée en tête des établissements bancaire de la place. Les inspecteurs n'hésiteront pas à écrire que leurs dirigeants « vivent simplement et ne dépensent pas leurs bénéfices ou leurs revenus ». En 1910, Prosper Auriol est nommé Censeur de la Banque de France – succursale de Perpignan – et sa parfaite connaissance de l'économie locale lui permettra de tenir un rôle important dans l'établissement lors de la Grande Guerre 14/18. Prosper fut également administrateur de la Caisse d'Épargne dès 1883 puis directeur et directeur honoraire jusqu'aux année 1930. On le retrouve aussi membre de la Chambre de Commerce de Perpignan où il sera secrétaire mais encore à la SASL (Société Agricole Scientifique et Littéraire) des Pyrénées-Orientales dont il sera un temps le président. Ce serait pendant sa présidence, en 1907, lors de la crise viticole ayant donné lieu à des émeutes, que le préfet David Dautresme lui aurait conseillé de faire planter aux viticulteurs catalans des pins et des amandiers pour remplacer la vigne !

    Lors de l'incendie de la Préfecture par les viticulteurs révoltés, le préfet, son épouse et leurs cinq enfants durent se réfugier sur le toit du bâtiment pour y attendre les secours. Hors ses préoccupations professionnelles, Prosper Auriol a été un bon pyrénéiste. Membre et organisateur du Club Alpin Français regroupant la plupart des notables du département, il connaissait toutes les montagnes qu'il a parcourues et on lui attribue même la première descente à ski sur les pentes du Col de la Quillane, en 1901.

    Le 18 mars 1921, par décret du ministre des Finances, Prosper Auriol était nommé Chevalier de la Légion d'Honneur. Fin 1924, les deux frères Auriol, Prosper et Georges, âgés de 64 et 59 ans, décident de mettre fin à leur activité bancaire. Prosper conservera son poste de Censeur à la Banque de France jusqu'à sa mort en 1944.

    Article paru dans la Semaine du Roussillon





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