• Les Orgues de Ille-sur-Tet

     

     

    Protection du site

    Le Site des Orgues a été classé en 1981 dans le cadre de la loi du 2 mai 1930 relative à la protection « des monuments naturels et des sites à caractère artistique, historique, scientifique légendaire ou pittoresque ». La procédure de classement concerne les patrimoines exceptionnels dont la préservation est d’intérêt général. Le classement a permis d'aménager le site afin de le rendre plus accueillant.

     

    Consignes de sécurité

    Pour votre sécurité et la protection du site, nous vous demandons de respecter les consignes suivantes :

    Le chemin est interdit aux véhicules et les accès doivent rester libres pour toute intervention des secours.

    En cas d’incendie ou d'orage subit, regroupez-vous dans les zones prévues à cet effet. Vous serez pris en charge par le personnel. Suivez attentivement leurs consignes.

    En cas d'accident, informez le personnel situé à l'entrée ou sur le site même.

    Nous vous prions de bien vouloir suivre les sentiers balisés sans franchir les barrières et les cordes de sécurité.

    Par respect pour l’environnement, nous vous remercions de ne pas fumer, ne pas escalader les parois, ne pas pique-niquer, ne pas jeter de déchets par terre, ne pas cueillir des fleurs ou de fruits.

     

    Vous aller vous promener sur un chemin d'environ 800 mètres avant d'accéder au site proprement dit. Tout au long de ce parcours, vous rencontrerez des piquets de bois numérotés correspondants aux haltes reprises dans ce document.

     

    Les Orgues de Ille-sur-Tet

     

    Halte 1 : Localisation

    Vous vous trouvez dans cette partie de la vallée de la Tet que l'on nomme le « Ribéral », traduisez « zone de rivière » ou « né des rivières », ceci en raison de la profusion de sources et de résurgences présentes sur le territoire.

    Cette vallée qui mesure 2 kilomètres de large au niveau d'Ille-sur-Tet est entourée par trois massifs, au sud, à l'ouest et au nord. Elle s'évase donc vers l'est pour s'épandre graduellement dans la plaine du Roussillon.

    Vous apercevez, au sud, les contreforts du massif des « Aspres ». Ces collines aux pentes raides sont essentiellement composées de schistes, une roche imperméable qui explique l'aridité du milieu.

    Au sud-ouest, culmine le Canigou (2784 mètres), le pic de la dent de chien, le dernier grand sommet de la partie orientale des Pyrénées, un véritable symbole pour les catalans.

    Au nord, enfin, le plateau granitique de Montalba, invisible d'ici mais que l'on traverse en se rendant à Bellesta, borde la vallée de la Tet. On retrouve à sa surface des blocs de granit empilés en « chaos ».

    La première halte, face à l'accueil, se situe à la confluence de deux torrents : la Reixte et le Pilo d'en Guil. Ces deux ruisseaux sont souvent à sec, mais ne vous y trompez pas. Ce calme n'est qu'apparent, leur débit lors des orages est torrentiel. Les pluies d'automne sont souvent violentes, parfois catastrophiques, déversant en une seule journée 150 à 200 millimètres d'eau voir des records de 600 à 800 millimètres, l'équivalent d'une année de pluie sur la région parisienne.

    Les Catalans se souviennent d'octobre 1940 et de « l'aiguat » (les grandes eaux, le débordement). En trois jours, il est tombé 1280 millimètres d'eau sur la région. Le débit de la Tet a atteint des records de 3500 3600 mètres-cubes à la seconde soit 700 fois son débit moyen ou un écoulement 10 fois supérieur au débit moyen de la Seine à Paris. Le niveau de l'eau est monté de 6 mètres à Perpignan, plus de 80 bâtiments ont été détruits et on a dénombré une quarantaine de victimes pour le seul département des Pyrénées-Orientales. Si de tels événements sont rares, ils ne sont pas exceptionnels, chaque génération se souvient de son « aiguat ».

     

    Halte 2 : Le ruisseau

    Le ruisseau du Pilo d'en Guil prend sa source sur le plateau de Montalba, il s'écoule ensuite sur 3 kilomètres jusqu'à la, passerelle. Au delà, son cours se confond avec le chemin d'accès, ce qui peut provoquer quelques désagréments lors des crues.

    Lorsque les pluies son abondantes, le Pilo d'en Guil enfle, dévale les pentes ; il creuse, ravine et traîne dans son sillage des débris, des feuilles ou des branches, du sable et des galets. Tout ce qui est à la portée et qui n'est pas solidement arrimé est emporté. Imaginez qu'il s'écoule ici jusqu'à 5 mètres-cubes par seconde, c'est le débit moyen de la Tet !

    On a du mal à admettre qu'autant d'eau puisse circuler dans un lieu habituellement aussi sec. Et pourtant ! … Ce chemin est un peu comme le goulet d'étranglement d'un entonnoir. Le bassin versant qui alimente le ruisseau récupère l'eau de pluie et la concentre à cet endroit.

    Si cette eau ne s'est pas infiltrée dans les sols, si elle n'a pas été retenue par la végétation, si elle ne s'est pas étalée en inondant les parcelles en amont, elle forme alors un flot dévastateur.

    Érosion, transport, sédimentation

    En observant le versant le plus raide, on distingue des strates de galets, de graviers, de sables et d'argiles qui s'empilent en couches superposées, déposées par les ancêtres du Pilo d'en Guil. Cet ordonnancement n'est pas le fruit du hasard : il est lie aux variations de débit des rivières du passé, selon une loi intemporelle. Lorsque les rivières sont trop alimentes par les versants, leur débit est insuffisant pour assurer le transport, elles se délestent alors de leur charge la plus lourde : les galets. Les sables et les argiles sont déposés en fin de crue ou lorsque la rivière déborde.

    Cette accumulation de matière sédimentaire résiste mal à l'érosion linéaire : on remarque d'ailleurs des entailles de ruissellement sur le versant qui n'est las végétalisé. C'est dire que les plantes fixent et protègent le sol.

     

    Halte 3 : Végétation et faune

    La faune et la flore du site sont typiquement méditerranéennes avec une variété et une richesse des espèces surprenantes eu égard à la rigueur du milieu.

    Une galerie d'arbres en bordure du ruisseau forme la ripisylve : cette « forêt de rivière » ne pousse que dans les zones humides ; les végétaux qui la composent ne asphyxient pas lorsque les sols sont saturés d'eau, leurs racines ne pourrissent pas mais fixent les berges et favorisent le dépôt des limons. On retrouve l'aulne glutineux avec ses fruits en forme de petites pommes de pin, le robinier (faux acacia) et le lierre. Grenouilles vertes et rainette méridionale s'y plaisent.

    Sur les versants, occupant des espaces délaissés par l'homme, une lande arbustive s'est installée. On la qualifiera de « maquis » plutôt que de garrigue car le sol est siliceux et non calcaire. S'y trouvent, entre autres, le chêne vert, le chêne blanc, les cistes de Montpellier, les cistes à feuilles de lauriers, la bruyère arborescente, la lavande stoechas, le thym... C'est une zone de nidification, un garde-manger pour la faune locale telle la fauvette à tête noire.

    Sur les sommets, subsistent des lambeaux de forêt méditerranéenne implantée sur sol acide, on reconnaît les pins parasols. Leurs racines sont à moitié dans le sol, à moitié dans le vide. Le crêtes sont rongées par l'érosion si bien que certains de ces pins n'ont plus assez d'espace pour se développer et deviennent des sortes de bonzaïs naturels.

     

    Halte 4 : Terres et hommes, la pauvreté initiale

    Autrefois, au XIXème siècle, des familles d'immigrés ont entrepris de mettre en culture cet endroit qu'ils baptisèrent « el vall del infern » (la vallée de l'enfer) tant le labeur était rude. Ils parlaient également de « la rive écorchée » en faisant référence aux ravins qui balafrent le paysage. Les géographes connaissent ces terrains et les qualifient de « bad-lands » ou mauvaises terres.

    Seuls quatre types de végétaux s’accommodèrent de ces conditions difficiles. Ce sont les cultures sèches traditionnelles du bassin méditerranéen : la vigne, l'olivier, le figuier et l'amandier. Quel contraste avec le reste de la vallée de la Tet, bien irriguée, fertile et couverte de pêchers qui ont fait sa réputation !

    Il faudra attendre les années 1960 pour qu'un programme d'aménagement achemine l'eau jusqu'ici. A partir de ce jour, le visage agricole des Orgues change complètement. Des vergers de pêchers remplacent les cultures sèches. Ils produisent des pêches de vigne, petites et fruitées, légèrement plus précoces que celles de la vallée mieux exposées. Ces pêches sont d'un rouge vif étonnant grâce à la réflexion du soleil (albédo) sur le sable.

    Au début des années 1970, la crise agricole frappe de plein fouet les Illois. Le nombre de producteurs diminue, les friches se multiplient. Parallèlement, l'idée d'un patrimoine naturel à protéger s'est développée. La nature est désormais perçue comme un espace de beauté fragile, à préserver contre les assauts de l'urbanisation et à partager avec les visiteurs.

     

    Halte 5 : Un décor minéral sculpté par les eaux

    Le site des orgues s'ouvre tel un amphithéâtre aux parois sculptées de gigantesques colonnes, hautes de 10 à 12 mètres. Ce paysage aride, très beau et très fragile, est une œuvre éphémère. D'apparence figé, il est en réalité sans cesse remanié. De grandes quantité de sable sont emportées à chaque pluie. Les formes anciennes s’effacent, de nouvelles sont esquissées. Bref, l'érosion est maîtresse des lieu. Et nulle part dans le voisinage où l'on retrouve des dépôts similaires (entre le col de Ternère et Millas) le travail d'érosion n'est aussi spectaculaire qu'ici.

    Le cirque dans lequel vous cheminez était autrefois une colline : reliez mentalement les chapeaux des cheminées les uns aux autres, vous vous rendrez compte de la quantité de matière déblayée par le ruissellement.

    Ces colonnes de roche sableuse qui vous entourent sont des cheminées de fées, nommées aussi « demoiselles coiffées » en raison de la couche dure qui les chapeaute et les protège un peu, un temps au moins, d'une érosion rapide.

    Formation des cheminées de fées

    Là où la végétation est clairsemée et le chapeau moins protecteur, les premières ravines ont pu s'inscrire. Sitôt la couche tendre atteinte, l'incision est rapide. Par suite, l'érosion travaille de manière différentielle, le creusement est plus intense sur les parties tendres, donc sur la colonne dont le diamètre diminue. Le chapeau perd progressivement ses assises. Il finira par s'effondrer, d'un bloc ou en morceaux selon sa morphologie.

    Dans le dédale du site, on peut voir et comprendre le rôle protecteur de la « coiffe » : là où elle a disparu, les colonnes s'affaissent.

    Les cheminées de fées évoluent beaucoup plus lentement que les flancs ravinés du site en raison de leur verticalité : en effet, une goutte d'eau qui glisse sur le flanc d'une cheminée est emportée par son propre poids. Elle se contente de déchausser un grain de sable ou d’entraîner une paillette d'argile. La répétition de ce processus cisèle les fameux « tuyaux d'orgues ».

    Sur les pentes les moins raides, les incisions en « tuyaux d'orgues » apparaissent avec plus de vigueur que sur les colonnes. L'eau se concentre et ruisselle par ces gouttières qui préfigurent de futurs ravins.

    A noter que l'appellation « Site des Orgues » est locale et peut prêtre à confusion. En effet, le terme d'orgues est en géologie préférentiellement utilisé pour des coulées de basalte ayant solidifié en long tuyaux. Ici, rien de volcanique à l'origine de ce paysage.

    A noter aussi : Les alternances de chaleur et d'humidité jouent sur les argiles qui gonflent et se contractent comme le ferait une éponge. Elles finissent par imprimer des lézardes que vous apercevez à certains endroits des parois.

    La couleur blanche correspond aux argiles, les teintes ocre sont liées à l'oxydation du fer, les taches brunes ou grises qui semblent salir les falaises sont en fait des lichens et des mousses attendant les prochaines pluies pour reverdir.

     

    Halte 6 : La longue histoire des paysages

    Au-delà de ce façonnement actuel par les eaux courantes, le site révèle une plus longue histoire qui s'inscrit dans celle du magnifique tableau qui s'étend devant vous. Les étapes majeures sont au nombre de 5 :

    - La formation de la chaîne pyrénéenne date d'il y a environ 45 millions d'années. Le plissement s'étend alors jusqu'au Languedoc et en Provence

    - Puis vers moins 30 millions d'année, la partie orientale de la chaîne se disloque et s'effondre. Notre Méditerranée actuelle apparaît pour la première fois.

    - Mais entre moins 5,8 millions et moins 5,3 millions d'années, elle va presque totalement s'assécher, en raison d'une fermeture du détroit de Gibraltar liée à un mouvement des plaques. Privée de l'entrée des eaux atlantiques, son niveau chute de plus de 1500 mètres, de profondes vallées se creusent !

    - La mobilité des plaques étant sans fin, cet épisode ne sera que de courte durée. Le retour à la normale au Pliocène provoque une invasion marine à l'intérieur des terre jusqu’au col de Ternère. C'est sur les bordures de ce bras de mer que se déposent les sables su site des Orgues. Les processus d'érosion, toujours à l'œuvre, sous un climat tropical chaud de la fin du tertiaire (moins 5 et moins 3 millions d'années), ont déblayé le plateau de Montalba granitique de son épais manteau d'altération. Rivières et ruisseaux s'y chargeaient de sables qu'ils déposaient ici à leur débouchés dans la vallée, à proximité du rivage. Le golfe se comble ainsi peu à peu.

    Imaginez...

    Le paysage ressemble à la savane africaine : des étendues de hautes herbes, jaunies par le soleil et battues par le vent s'étalent jusqu'aux collines arborées, de l'autre côté de la vallée. La faune est similaire à celle que l'on retrouve actuellement en Afrique (singes, rongeurs, éléphants, hippopotames...) mais compte aussi quelques espèces qui ont disparu de nos jours telle l'hipparion (petit cheval). C'est une époque charnière dans l'évolution du climat de la terre car le climat chaud devient plus sec, c'est l'apparition du climat méditerranéen et ceci préfigure le refroidissement quaternaire.

    - Le site doit aux premiers froids quaternaires (à partir de moins 1,8 millions d'années) sa coiffe de blocailles qui couvre les colonnes. Le froid favorise l'éclatement de la roche par le gel. Au pied des sommets englacés, les paysages sont alors couverts de toundra et de steppes arides balayées par des vents violents. Seuls les zones abritées accueillent des forêts de conifères, de bouleaux et de genévriers.

    La faune ressemble à celle de l'Europe du Nord : rennes, chevaux sauvages, bisons, antilopes saïga, ours, loups lynx, loutres, renards arctiques, hermines... Avec cependant quelques originalités : l'auroch, le rhinocéros laineux et le mammouth pour les herbivores mais aussi le lion des cavernes, l'ours des cavernes et la hyène des cavernes côté carnivores.

    Aujourd'hui, avec les conditions climatiques qui rappellent les phases interglaciaires, ce paysage entame la dernière phase de sa vie, une phase d'érosion, tout ce sable qui était en transit vers la mer et qui est demeuré prisonnier là depuis 5 millions d'année partira au rythme des orages.

     

    Halte 7 : Point de vue

    Le paysage que vous avez sous les yeux est un héritage qui a traversé le temps pour parvenir jusqu'à nous.

    L'histoire semble banale, cependant, le hasard des mécanismes naturels a voulu que naisse un paysage exceptionnel.

    Avant de quitter le site, nous vous invitons à découvrir le seul labyrinthe où vous ne risquez pas de vous perdre et si, dans l'enchevêtrement minéral de ces sculptures naturels, vous vous sentez l'âme voyageuse, d'autres lieux vous attendent, comparables mais ayant chacun son originalité : le site de Pontis, sur les rives du lac de Serre-Ponçon (Hautes-Alpes), la Cappadoce en Turquie et, plus loin encore, Brice Canyon aux Etats-Unis.

    Document distribué aux Orgues