• Les forces de l’ordre françaises et de six autres pays européens ont mis la main sur une série d’adolescents et de jeunes adultes qui se sont introduits dans les PC de particuliers, par plaisir ou pour réaliser des actions frauduleuse

    Coup de filet d’une quinzaine d’apprentis pirates

     

    Haro sur les « script kiddies » ! Europol et les forces de l’ordre de sept pays européens - dont la France - viennent d’interpeller cette semaine une quinzaine d’adolescents et de jeunes adultes pour s’être introduits dans les ordinateurs de particuliers au moyen de chevaux de Troie avec fonctions d’accès à distance (Remote Access Trojan, RAT). Comme par exemple Blackshades, Poisonivy ou DarkComet. Ces logiciels permettent de voler des données ou d’enregistrer l’activité d’un utilisateur.

    Parmi les 15 prévenus, 6 ont été arrêtés en France. Ils n’étaient pas liés les uns aux autres, mais opéraient de manière autonome. Ce ne sont pas non plus des hackers confirmés. Généralement, ils n’ont pas fait grand-chose de plus que d’acheter un kit de cheval de Troie sur Internet pour quelques dizaines d’euros. En revanche, « les motivations sont assez diverses. Certains ne voient dans ce type de piratage qu’une activité ludique. D’autres sont animés par une curiosité malsaine. D’autres encore vont réaliser des transactions bancaires frauduleuses », explique le colonel Eric Freyssinet, chef de la division de lutte contre la cybercriminalité (DLCC) du Service central de renseignement criminel de la Gendarmerie nationale. M. Freyssinet a coordonné, au niveau d’Europol, l’ensemble de cette opération qui a été baptisée «Mousetrap » (piège à souris).

    Alerter les parents

    Parmi les arrestations françaises, une seule résulte d’un dépôt de plainte. Toutes les autres font suite à des « enquêtes proactives » réalisées sur la Toile. Au total, l’opération a nécessité « quelques semaines de travail réparties sur plusieurs mois ». On peut se demander si ce travail en valait la chandelle, car les infractions ne semblent pas très graves. « Si c’est grave, rétorque le colonel. Certes, c’est de la petite délinquance, mais elle a atteint un niveau préoccupant. A tout instant, plusieurs dizaines de personnes s’adonnent à ce type d’activité en France, et cela le plus souvent en toute impunité. Cette opération nous permet de lancer un signal à ces jeunes et à leurs parents, ainsi qu’aux victimes, et cela de manière coordonnée en Europe. Elle nous permet aussi de rencontrer ces délinquants et de les analyser, pour mieux les comprendre. »

    Quoi qu’il en soit, les apprentis pirates qui viennent d’être arrêtés devront maintenant se confronter à la justice. L’utilisation de ce type de logiciels malveillants est punie par le Code pénal de peines pouvant aller jusqu’à sept ans d’emprisonnement suivant les circonstances (Art 323-3-1). Les six autres pays qui ont participé à l’opération « Mousetrap » sont l’Estonie, la Roumanie, la Lettonie, l’Italie, la Norvège et le Royaume-Uni.

    Article paru dans 01NET


  • Narcis Monturiol (1819-1885)

     Narcis Monturiol

    Inventeur su premier sous-marin à combustible, étrange destin que celui de ce génial inventeur catalan qui fut victime de ses convictions politiques républicaines.

    Narcis Monturiol naît le 28 septembre 1819 à Figueres (Espagne) où son père est artisan tonnelier. Après des études de médecine qu'il décide d'abandonner, il fait du Droit à Barcelone et obtient sa licence en 1845. Il avait été mêlé auparavant aux troubles de Barcelone en 1842 et 1843. Ami d'Abdó Terrades, il rejoint le Parti Républicain et écrit dans El Républicano. Ayant appris le métier d'imprimeur, marié la même année à Émilie, il fonde en 1846 une imprimerie avec un ami et de ses ateliers sortiront revues et pamphlets où domineront ses idées radicales en du féminisme, du pacifisme et du communisme. Il sympathise avec la philosophie du français Étienne Cabet, socialiste utopique fondateur du mouvement Icarie sur les bords de la Rivière Rouge au Texas. Il crée la revue La Fraternidad en 1847, premier périodique communiste en Espagne qui publiera Voyage en Icarie, de Cabet. Il fonde également la revue La Madre de Familia qui défend les femmes de la tyrannie des hommes. En 1848, après les troubles révolutionnaires, le gouvernement espagnol interdit La Fraternidad et Monturiol est forcé à s'exiler un temps en France, à Perpignan. Amnistié peu après, il retourne en Espagne et fonde la revue El Padre de Familia qui cessera rapidement de paraître, grevée, d'amendes et de sanctions gouvernementales.

    Monturiol, pour vivre, va alors imprimer du matériel scolaire en même temps qu'il se consacre à ses premières inventions.

    Réfugié à Cadaqués en 1855 à cause de ses activités politiques, il gagne sa vie comme artiste peintre et observe avec attention la difficile et dangereuse activité des pêcheurs de corail. De la réflexion naît le projet d'un appareil sous-marin pour récolter le corail. En 1857, il fonde avec ses amis de l’emporta la première société commercial de l'État espagnol dédiée à l'exploitation de ce concept qui prend le nom de Monturiol, Font, Altadill et Cie. Un an après, le projet est présenté et l'Ictineo I est en chantier puis mis à l'eau le 28 juin 1859 au port de Barcelone avec succès. Cette réussite aurait dû logiquement déboucher sur un support matériel gouvernemental, ce qui ne fut pas le cas. Monturiol fit donc appel à une souscription publique et les fonds recueillis servirent à créer l'entreprise. La Navigacion Submarina qui allait construire l'Ictineo II.

    L'Ictineo I

    Narcis Monturiol (1819-1885)

     Ictineo I Musée Marítime de Barcelone

    Construit en bois, il mesurait 7 m de long, 2,50 m de large, 3,50 m de haut et sa destination première était celle de pêcher le corail. A l'intérieur, la coque sphérique avait une capacité de 7 m3 tandis qu'à l'extérieur sa forme elliptique lui donnait l'allure d'un poisson. Entre les deux parois avaient été aménagés des bacs de flottaison ainsi qu'un réservoir à oxygène et un autre à hydrogène servant à illuminer les profondeurs. L'appareil était mis en mouvement par un propulseur à ailette actionné par un équipage de quatre hommes.

    La première immersion, effectuée en 1859 au port de Barcelone devant un public intrigué, eut une durée de 2h20mn. En tout, l'Ictineo I effectua 69 plongées sans le moindre incident, ce qui le distinguait des autres prototypes contemporains.

    L'Ictineo II

    Narcis Monturiol (1819-1885)

     Ictíneo II devant le port de plaisance de Barcelone

    Il fut le premier sous-marin à utiliser un combustible pour sa propulsion. Long de 14m, large de 2m, haut de 3m, il avait un volume de 23m3, était manœuvré par 2 hommes et plongeait à 30m. Construit en bois d'olivier, avec renforts en chêne, il était revêtu extérieurement d'une couche de 2mm de cuivre. La partie supérieure était dotée d'une ouverture de 1m30 équipée de trois hublots en verre épais de 10cm et d'un diamètre de 20cm. De la tourelle, le submersible pouvait être guidé à l'aide d'un renvoi à vis hélicoïdale.

    Quatre compartiment étanches de 8m3 situés symétriquement à gauche et à droite garantissaient la flottabilité de l'engin lorsqu'ils étaient vides. Ces réservoirs pouvaient être inondés à volonté pour l'immersion. Remonter à la surface se faisait en injectant de l'air comprimé qui chassait l'eau des compartiments. Un contrepoids se déplaçant longitudinalement sur un rail assurait l'équilibre de l'engin en plongée. Ce mécanisme était contrôlé par le timonier. Le sous-marin était également doté d'un système de secours lui assurant une remontée rapide en cas de nécessité.

    Mais l'invention la plus importante de Monturiol fut le moteur anaérobique dont était doté l'engin. Ce moteur utilisait la réaction chimique du chlorate de potassium, du zinc, du manganèse et du peroxyde. Cette réaction dégageait aussi de l'oxygène qui, après traitement, était utilisé pour le confort de l'équipage et pouvait actionner une machine à vapeur auxiliaire pour la propulsion.

    Lancé le 2 octobre 1864 dans le port de Barcelone, l'Ictineo II intéressa vivement la Marine ainsi que le général Dulce mais Monturiol n'obtint pas le moindre crédit du gouvernement de la reine Isabel II. En 1867, l'entreprise La Navigacion Submarina tombe en faillite et l'Ictineo II, détruit par son inventeur, est vendu au poids de la ferraille.

    Il faudra attendre 1940 pour qu'un submersible allemand soit propulsé par un moteur anaérobique utilisant le principe équivalent à celui de Monturiol.

    Les inventions de Monturiol

    Après l'échec de son entreprise de sous-marin, plus politique que technologique, Monturiol va inventer successivement une machine à fabriquer les cahiers d'écoliers, un procédé pour accélérer la production de papier adhésif, une machine à fabriquer des cigarettes, et d'autres pour la colle, du savon à froid, des semelles de chaussures, des chemises pour cylindre de moteur, du cirage à chaussures, un système de conservation des viandes. Il imagine également un projet de funiculaire à Tarragone et un autre pour amener l'eau du fleuve Ter à Barcelone.

    A partir de 1868, Monturiol retourne à l'activité politique et il sera élu député du Parti Fédéral lors de la Première République Espagnole (1873-1874). Peu après, il sera nommé directeur de la Fabrica Nacional de Moneda y Timbre à Madrid.

    Après la restauration de la monarchie en décembre 1874, Monturiol est destitué. Il meurt complètement ruiné en 1885 à Sant Marti de Provençals, près de Barcelone.

    En 1972, ses restes sont ramenés à Figueres et inhumés dans la section de personnalités illustres au cimetière municipal. Un monument lui a été élevé sur la Rambla.

    Narcis Monturiol (1819-1885)

     Monument sur la Rambla de Figueres

    Article paru dans La Semaine du Roussillon


  • Depuis 160 ans, les docteurs Donnezan soignent les maux des Perpignanais. Mais pas seulement, Charles et Albert se distinguèrent aussi par leurs travaux scientifiques qui furent reconnus et honorés.

    A Perpignan, une rue porte le nom Des Docteurs Donnezan et un rond-point celui d'Albert Donnezan. Mais combien sont-ils les Perpignanais capable de donner une explication plausible à ces dénominations ? Sans peu nombreux et c'est bien naturel puisque ces médecins là sont décédés depuis longtemps. Pourtant, encore aujourd'hui, des Donnezan exercent la médecine à Perpignan ce qui sera sans doute un record de longévité difficile à battre.

    Deux de ses fils deviendront médecins : Charles et Albert

    C'est en 1854 que Charles Florentin Donnezan, né en 1802 à Mirepoix (Ariège) s'installe comme médecin à Perpignan. Ses parents, propriétaires fonciers, descendent des Donnezan, du Pays des Donnezan, dénommé aussi le Québec Ariégeois pour la beauté de ses paysages. Il a d'abord été médecin-major militaire, fait à ce titre chevalier de la Légion d'Honneur mais tenu à adopter, pour des raison de santé, une activité sédentaire. C'est à Perpignan qu'il décédera en 1874. Deux de ses fils deviendront médecins : Charles et Albert. Ce sont eux qui ont été honorés, nous verrons pourquoi, et une rue porte leur nom.

    Charles

    Il naît à Perpignan le 2 septembre 1841 au domicile familial, rue Sainte-Catherine. Après de brillantes études au lycée de Toulouse, il est reçu à 19 ans à l'École de Médecine Militaire de Strasbourg et obtient le grade de docteur en 1864. Aussitôt affecté à Constantine (Algérie), il est nommé aide-major en 1865. De retour en métropole, après un passage à l'ambulance du Vésinet, le voici chirurgien en chef de l'armée de Bretagne lors de la guerre de 1870. La paix signée, il sera successivement nommé médecin-major de 2ème classe au 17ème puis 27ème bataillon de chasseurs et enfin au 122ème d'infanterie.

    En 1877, à 36 ans, il quitte l'armée et vient s'établir médecin à Perpignan. Il avait auparavant épousé à Céret en 1874 Marie Vinyes. Le père de son épouse est banquier et la sœur de Marie, Louise, est mariée avec Albert Saisset, homme de Lettres et poète renommé, utilisant pour ses publications en catalan le pseudonyme Oun Tal. Brillant d'esprit, Charles s'adonna aux études historiques et devint membre influent de la SASL (Société Agricole Scientifiques et Littéraire des Pyrénées-Orientales) où i l animait la section scientifique et archéologique. Il fut à l'origine de la découverte de sépultures préhistoriques et rédigea un mémoire à leur sujet. Se sachant atteint d'un mal incurable, il ne cessa pourtant jamais de travailler et de soigner ses patients, en vertu de sa vocation première. C'est à son domicile, entouré des siens, qu'il décède le 23 avril 1888, à l'âge de 47 ans. Il laisse trois enfants en bas âge : Marie-Jeanne née en 1875, Edmond, né en 1877 et Gabrielle, née en 1879. Aucun d'entre eux ne fera médecine.

    Un petit-fils d'Edmond, Bernard, né en 1950, sera médecin et épousera Hélène Simon, elle-même médecin.

    Albert

    Comme son frère Charles, il naît le 14 octobre 1846 au domicile familial de la rue Sainte-Catherine. Médecin dès 1872, il exercera à Perpignan pendant plus de quarante ans. Le 30 avril 1877, il épousera à Perpignan Louise Joséphine Bocamy, dont le père est également médecin. De leur union naîtront deux garçons, Albert en 1879 et René en 1887, qui seront aussi médecins. Mais sa vie extra-médicale est des plus riches. Membre – comme son frère – de la SASL, il entre dans la section Sciences et en deviendra le directeur en 1885. En 1887, au Servat d'en Vaquer, il découvre des fossiles du pliocène (3 à 4,5 millions d'années). En 1894, lors des travaux d'installation de la ligne de chemin de fer Rivesaltes-Quillan, est mis à jour à Estagel, au lieu-dit Moli de Vent, près de la gare, une grotte renfermant des ossements humain set d'animaux datant du paléolithique dont il publiera une étude. En 1909, succédant à Prosper Auriol, il devient le président de la SASL et le restera jusqu'à sa mort. Parmi ses multiples activités, notons qu'il fut correspondant du Muséum d'Histoire Naturelle de Paris, membre de la Société de Géologie, de la Société d'Anthropologie de Lyon, de l'Association Française pour l’Avancement des Sciences, inspecteur des Sites et Monuments Historiques de France. Au plan local, il a été médecin de l'Assistance Publique, de l'Asile des Vieillards, directeur du Service de Santé Départemental de la Croix-Rouge, professeur au Cours Départemental d'Accouchement, président du Comité Départemental de la Protection des Enfants du 1er âge, président d'honneur de la Société des Médecins.

    Pourvu de nombreuses médailles d'or et fait Chevalier de la Légion d'Honneur le 10 août 1895, Albert Donnezan était également Officier d'Académie, Médaillé d'Honneur des Épidémies et décoré de la Société de Secours aux Blessés.

    Atteint lui aussi d'une maladie dont il connaissait l'issue fatale, il est mort en plein travail, le 1er mai 1914. Il ne voulut pas que soient prononcés de discours à ses obsèques « sachant – avait-il dit – ce que valent les oraisons funèbres que l'on prodigue à ceux qui le méritent le moins ». La cérémonie fut cependant suivie à Perpignan par une foule considérable.

    Une tortue géante

    Lors de la séance du 19 décembre 1887 à l'Académie des Sciences à Paris, le docteur Albert Donnezan annonce la découverte d'une tortue gigantesque du pliocène moyen de Perpignan (3 à 4,5 millions d'année). Les grands travaux de terrassement effectués lors de la construction du nouveau Fort de Serrat d'en Vaquer ont mis à jour, à 8 mètres de profondeur, une tortue fossile de 1,20 mètre de long. Elle a été dénommée Testudo Perpiniana. D'autres animaux fossiles ont également été découverts sur ce site, dont un éléphant à défense droite, un tigre dents-de-sabre, un petit cheval, un lynx, un rhinocéros. La tortue a été exposée à la Galerie de l'Évolution à Paris.

    Médecin à Perpignan depuis 1854

    C'est sans doute un fait unique en Roussillon. Depuis 1854 et sans discontinuité jusqu'à ce jour, un Donnezan a exercé la médecine à Perpignan :

    Charles (1802-1874) docteur en médecine et pharmacie, époux de Marie Michel

    Charles (1841-1888) fils du précédent, époux de Marie Vinyes

    Albert (1846-1914) frère du précédent, époux de Louise Bocamy

    Albert (1879-1921) fils du précédent, époux de Thérèse Ducup de Saint-Paul

    René (1887-1944) frère du précédent, époux de Suzanne Rascol

    Albert (1917-2011) fils de rené, époux de Marie-Josée Félix, médecin elle-même

    Bernard (1950) fils de Jean, époux de Hélène Simon, médecin elle-même

    Diane (1986) fille de Bernard, est en dernière année de médecine en 2014

    Article paru dans La Semaine du Roussillon


  • 1939-2009 : un long chemin

    Retirada : Retraite. Jamais défaite d’un peuple n’aura autant marqué notre territoire, nos mentalités.

    En 1939, 500000 Espagnols pourchassés par des militaires factieux et fascistes ont quitté leur pays en quelques semaines pour se réfugier en France. Tous ou presque ont échoué dans notre région. Une vague d’humanité terrorisée, annonciatrice des grands massacres qu’allaient perpétrer d’autres Européens pratiquant la même idéologie que les bourreaux franquistes.
    Le premier contact avec la Patrie des Droits de l’Homme sera rude : des gendarmes, des troupes coloniales, et une déception immense. Ceux qui avaient combattu pour leur liberté, la démocratie et contre le fascisme étaient traités avec le plus grand mépris, parfois même brutalement. D’abord quelques mètres carrés de sable pour tout foyer, le froid, la misère.

    Des camps de concentration battus par le vent, la pluie. Plusieurs milliers n’y résisteront pas.
    Vaincus, déracinés, humiliés,les gestes de sympathie de ce côté-ci des Pyrénées seront trop rares, mais il y en aura. De quoi réconcilier un peu avec le genre humain ceux qui venaient de subir un véritable calvaire, même si on peut imaginer que « fêter » le 150e anniversaire de la prise de la Bastille dans un camp de concentration porta un rude coup au moral des plus instruits.
    Pas de quoi décourager plusieurs milliers d’entre eux qui s’enrôleront dans la Résistance et dans la 2e DB du maréchal Leclerc, y jouant un rôle majeur mais souvent occulté.

    La Libération ensuite, et le fol espoir que les démocraties allaient abattre Franco et qu’ils pourraient retourner chez eux.

    Une espérance vite mise à mal et un constat : ils devraient rester en France et faire le deuil de leur Espagne démocratique.

    Une vie à reconstruire et la mise entre parenthèses de leur guerre d’Espagne, de leurs rêves. Leur épopée pour la liberté ne dépasserait pas le cercle familial ou les rencontres d’anciens réfugiés.
    1950 : la guerre froide, et Franco allié et rempart du monde libre contre les communistes.
    1960 : L’Espagne qui devient le « bronze-cul » de l’Europe. Des complexes touristiques parfois édifiés sur les champs même de leurs batailles. Et le sentiment parfois diffus mais fugitif qu’ils n’avaient peut-être pas eu raison devant le cours de l’Histoire.

    Le milieu des années 70, l’agonie du franquisme enfin, et la marche forcée vers la démocratie.

    Presque 40 ans avant d’avoir eu raison. Une vie.

    70 ans sont passés, la plupart de ces réfugiés sont morts.

    70 ans après

    Nous avons décidé, en leur consacrant ce supplément, de rendre hommage à tous ceux qui un jour ont joué leurs tripes, hommes et femmes, pour vivre debout et qui l’ont payé cher.

    Ces quelques pages juste pour saluer leur courage avant qu’ils n’entrent tous, définitivement, dans les livres d’Histoire.

    Environ 1.500 réfugiés espagnols et leurs enfants se sont retrouvés, ce samedi à Argelès, pour une marche symbolique à l'occasion du 70e anniversaire de la Retirada de 1939, lorsque les républicains ont fui l'Espagne de Franco pour se réfugier dans le sud de la France.

    1939-2009 : un long chemin

    Le doyen du rassemblement Vicente Vicente, 101 ans, entouré de quatre générations d'Espagnols et de Français d'origine espagnole, étaient présents à Argelès-sur-mer, où fut construit en 1939 un camp de concentration pour les loger temporairement.

    La première adjointe au maire de Paris, Anne Hidalgo, fille de républicain espagnol, a également participé à cette marche. La plupart des exilés avaient traversé à pied les Pyrénées jusqu'en Catalogne française pour fuir le franquisme.

    Près de la plage, deux baraques en bois, vestiges du tournage d'un film par une télévision espagnole, rappellent les habitats de fortune construits à la hâte dans la région de Perpignan à la fin de la Guerre civile espagnole.

    Un concert du chanteur espagnol Paco Ibanez ce samedi soir et un recueillement ce dimanche sur la tombe du poète Antonio Machado, décédé le 22 février 1939 à Collioure, près de Perpignan, devaient clore les commémorations du 70ème anniversaire de la Retirada entamées le 1er février avec une série de conférences, expositions et spectacles.

    Article paru dans La Semaine du Roussillon


  • Janvier 1939 : un long fleuve de misère

    7 janvier 1939. Cols d'Ares, Prégon et Sizern au-dessus de Prats-de-Mollo, col du Perthus, Cerbère, Las Illas-Maureillas, Saint-Laurent-de-Cerdans, Bourg-Madame ou encore Port d'Envalira, toutes les portes du département cèdent sous la poussée.

    Femmes, enfants, vieillards, ils arrivent par dizaines, par centaines par les routes carrossées mais également par les chemins muletiers et de contrebande, le plus souvent à pied, quelquefois dans la neige, le visage hâve, certains fiévreux, le ventre souvent vide, un valise ou un baluchon pour tout bagage ou, au contraire, accompagnés d’animaux. Le résumé d’une vie de labeur.

    Bientôt ils seront suivis par les militaires et les miliciens débandés, valides, malades ou blessés, le plus souvent en armes, presque toujours ingambes, quelquefois montés sur leurs chevaux ou au volant de leurs engins motorisés Ils, ce sont ces milliers de réfugiés espagnols qui fuient leur pays, l’Espagne, leur région, la Catalogne, talonnés par l’avancée inexorable des troupes du général Franco. Les républicains ont perdu la guerre contre les nationalistes !

    Barcelone est tombée le 26 janvier. Exode sans précédent dans l'histoire moderne, des confins de l’Andorre à Cerbère, entre le 27 janvier et le 9 février 1939 (et dans une moindre mesure jusqu’au 14 mars), un long fleuve de misère s’épanche des flancs des Pyrénées et converge vers le Roussillon voisin et frère, l’ultime espoir. Un exode que l’on connaît depuis sous un nom écrit en lettres de sang noyées dans les pleurs du désespoir et de l'humiliation : « la Retirada ».

    A Prats-de-Mollo, le 27 janvier, vers 11 heures les premiers fuyards franchissent par petits groupes le pont Gaston-Gérard alors que la frontière n’est pas encore officiellement ouverte.
    En quelques jours la population du village passe de 3000 à 30000 habitants auxquels il faut ajouter 15000 à 25000 têtes de bétail.

    Sans oublier les charrettes, chariots, chevaux, mulets, mais également les troupeaux de moutons, chèvres, vaches, etc, qui viennent compliquer la situation.

    Rapidement les locaux disponibles sont saturés. Dès lors, 12000 hommes sont cantonnés dans la prairie dite du Cendréou et 25000 à Saint-Martin. Dans la nuit du 24 au 25 février, ils seront ensevelis sous de gros flocons…

    Après la chute de Gérone, le 5 février en soirée, à 20 heures très précisément, le poste de Cerbère, le premier, lève sa barrière métallique. Le Perthus fait de même le 6, à 16 heures 30. « Près des routes, on ne trouve pas dix mètres carrés de terrain sans réfugiés » consigne dans son journal à la date du 5 février 1939 l'envoyé spécial du New York Times. « Toutes les routes secondaires, tous les champs et même toutes les collines fourmillent de milliers de malheureux cheminant vers La Jonquera. Là, par milliers, ils attendent patiemment ou font la queue pour obtenir de la nourriture que la Commission internationale envoie à la France ». Le chiffre de 2000 entrées par jour fixé par les autorités française est rapidement dépassé.

    450000 « indésirables »

    Dès le 5 février, les fugitifs sont évalués à quelque 130 000 personnes tandis que les premières troupes de l'armée républicaine arrivent. Le 7 février, 100000 soldats républicains ont déjà pénétré sur le territoire français.

    Du 8 au 12 février, Prats-de-Mollo voit passer 37000 hommes de troupe. Encadrés par 50000 militaires et policiers français chargés de l'accueil et de la sécurité, ils sont immédiatement désarmés, leurs véhicules confisqués et stockés dans les camps de matériel de Bourg-Madame, Le Boulou, Villeneuve-de-la Rivière. Ces hommes grossirent dès lors les rangs des civils qui, à la date du 7 février, sont déjà au nombre de 250000 auxquels il convient d’ajouter environ,10 000 blessés.

    Le 9 février, les troupes nationalistes navarraises du général SOLCHAGA sont au pied du fort de Bellegarde, au Perthus. En moins de deux semaines, plus de 450 000 personnes auront franchi la frontière franco-espagnole.

    « En 48 heures, écrit un témoin, Pierre IZARD, premier adjoint au maire, Argelès fut transformé en fourmilière ». (…) « Ce n'était pas une armées qui fuyait, ce n'était pas seulement des familles, mais des villages, des cités complètes avec leur biens, un peuple tout entier qui s'avançait lourdement... On s'étonnait que la terre ne suivi pas... C'était grandiose, énorme, effrayant ! ».

    Article paru dans la Semaine du Roussillon

    L'émission : Retour sur la guerre d'Espagne, lorsque le peuple espagnol et ceux qui ont suivi la République sont abandonnés aux mains de Franco, Hitler et Mussolini. France 3 a été diffusé le 12 juillet 2014 un reportage « Combattants de la liberté » retraçant ce long fleuve de misère.