• 1936-1939 : la guerre civile

    Après la mort de Sanjurjo, le 20 juillet 1936, dans un accident d'avion, Franco prend, en septembre, la tête du mouvement de rébellion. A partir d’août 1937 il cumulera, avec ses fonctions de généralissime, celles de chef de l'État.

    Alors que les franquistes rassemblent à peu près tous les cadres des forces armées (sauf l'aviation), le gouvernement républicain dispose essentiellement des forces de police et de volontaires des régions industrielles.

    Dans les deux camps, la lutte est menée sauvagement.

    Le bombardement de Guernica le 26 avril 1937, par les avions de la Légion Condor allemande et ceux de Barcelone, par l’aviation italienne les 17 et 19 mars 1938, sont représentatifs des massacres à l’encontre de la population.

    Deux conceptions du monde

    Les espoirs que le gouvernement républicain place dans la France du Front populaire et la Grande-Bretagne sont vite déçus. Désireux d'éviter guerre générale, Paris et Londres adoptent une politique de « non intervention». Elle n’est pas vraiment respectée par le gouvernement Blum qui ignore voire facilite, discrètement, via les Pyrénées-Orientales, le passage de matériel, armes et munitions pour les républicains.

    La frontière d’Irun étant fermée depuis le 5 septembre 1936, c’est également par le Roussillon que transitent les volontaires des Brigades internationales. Ils seront plus de 32 000 venus d’une cinquantaine de pays, dont plus d’un tiers de Français ; des hommes dirigés par le Perpignanais André Marty. L'URSS fournit pour sa part des techniciens, du matériel ainsi qu’une aide financière, plus particulièrement au Parti communiste qui, jusqu’alors, n’était qu’une force politique secondaire en Espagne.

    De leur côté l’Allemagne et l’Italie affirment, dès le début, leur soutien aux nationalistes, principalement sous une forme aérienne (Légion Condor) pour la première, et l’envoi de quelque 70 000 volontaires fascistes pour la seconde. L’Espagne devient le banc d’essai d’armes et de techniques nouvelles (surtout dans le domaine de l'aviation) qui allaient être utilisées pendant la Deuxième Guerre mondiale. Dirigé par le socialiste Largo Caballero depuis le 4 septembre 1936, le gouvernement légal se réfugie à Valence au mois de novembre suivant, confiant la défense de Madrid au général Miaja. L'échec du soulèvement anarcho-syndicaliste de Barcelone (3-8 mai 1937) contre les staliniens permet au socialiste Juan Negrin, soutenu par Moscou, de former un gouvernement qui s'installe à Barcelone (septembre 1937) et poursuit l'élimination des opposants au communisme, notamment des trotskistes du Parti ouvrier d’unification marxiste.

    De terribles batailles

    Au point de vue militaire, les nationalistes, par la prise de Badajoz (14 août 1936), font la jonction de leurs forces du Nord et du Sud. En septembre, ils lancent sur Madrid une offensive qui est retardée par le siège de l'Alcazar de Tolède (27 septembre).

    Ce retard permet l'arrivée des Brigades internationales qui, en novembre 1936, réussissent à briser l'assaut général des franquistes. La résistance de Madrid se prolongera jusqu’au 28 mars 1939. Cependant, à la fin de 1936, Franco tient déjà plus de la moitié de l'Espagne, avec toute la frontière hispano-portugaise, ce qui constitue un atout important pour son ravitaillement.
    Au cours de l'année 1937, les nationalistes liquident le front Nord en s'emparant de la ceinture fortifiée de Bilbao (19 juin), de Santander (25 août), enfin de Gijon, dans les Asturies (21 octobre). Au sud, après avoir enlevé Malaga (8 février), ils tentent de couper en deux la zone gouvernementale en faisant mouvement de Teruel vers Valence. Mais les Brigades internationales infligent un grave échec aux Italiens à Guadalajara (8-20 mars 1937). La fin de l'année voit un renforcement de l'effort des républicains qui gagnent Teruel le 9 janvier 1938. Seule capitale de province prise aux franquistes, elle est perdue le 22 février.
    Dès le printemps 1938, après la prise de Lerida (4 avril), les nationalistes atteignent la Méditerranée (15 avril) à Vinarós, coupant ainsi la zone républicaine en deux, entre Barcelone et Valence. Le 25 juillet, les franquistes lancent une offensive de grande envergure et passent l’Ebre le 15 novembre.

    Le 28 octobre, Barcelone, la dernière citadelle républicaine, salue le départ des  13000 survivants des Brigades internationales.

    L'ultime offensive nationaliste commence le 23 décembre, soutenue par de puissantes forces aériennes et motorisées. Le front de Catalogne est rapidement enfoncé. Le 22 janvier 1939, les gouvernements espagnol, catalan et basque passent la frontière française. Le 26 janvier Barcelone est prise. C’est le signal de l’exode ! Le 28 mars, les nationalistes investissent Madrid. Le 1er avril 1939, Franco lance son fameux communiqué : « La guerre est finie ». Elle a fait près de 300000 morts auxquels il faut ajouter une importante mortalité infantile et des dizaines de milliers d’exécutions après la fin des combats.

    Article paru dans La Semaine du Roussillon


  • 1930-1936  Les ferments du conflit

    Le 17 août 1930, la majorité des partis de gauche, les anti-monarchistes de toutes tendances et les autonomistes catalans signent le « pacte de San-Sébastian ». Cette coalition a été facilitée par le renoncement au pouvoir du général Miguel de PRIMO de RIVERA le mois de janvier précédent. Appelé à la tête du gouvernement le 13 septembre 1923 par le roi Alphonse XIII, il a rapidement instauré une dictature, assouplie fin 1925.

    Le 12 avril 1931, les républicains enlèvent les élections municipales. La IIe République est proclamée le 14 avril. A Barcelone, Francesc Macià fait de même avec la République catalane.

    Le roi Alphonse XIII renonce au pouvoir et s’exile en France.

    Aux élections législatives de juin 1931, la gauche remporte une nouvelle victoire. La Constitution de décembre 1931 proclame l'Espagne : République démocratique. Elle institue le parlementarisme, le suffrage universel est étendu aux femmes et aux soldats, les titres de noblesse sont abolis, le divorce autorisé. Le 15 septembre 1932, le statut d’autonomie de la Généralité de Catalogne est adopté par les Cortés de Madrid. La loi agraire du même jour permet l'expropriation des grands Latifundios d'Andalousie, d'Extrémadure, de Manche, des régions de Tolède et de Salamanque.

    Première rébellion de Sanjurjo en 1932

    Mais les grandes réformes votées dans l'enthousiasme en 1931-1932 restent en grande partie sur le papier. Les violences antireligieuses, sanglantes comme en mai 1931 et les grèves se succèdent. Le climat est très tendu. Cependant l’opposition de droite s’organise. En février 1932, José Maria Gil Robles fonde la Confédération espagnole des droites autonomes.
    (CEDA) qui rassemble les partis cléricaux et ultra-conservateurs. Le 20 août 1932, le général Sanjurjo tente un coup d'État à Séville qui est réprimé.

    En octobre 1933, José Antonio Primo de Rivera, le fils du dictateur, fonde la Phalange espagnole, un parti nationaliste qui crée le fascisme à l’espagnole. En novembre 1933 l’Espagne républicaine, jusqu’alors dirigée par la gauche, passe sous un
    gouvernement de centre droit qui s'emploie à défaire les réformes mises en route par ses prédécesseurs. Depuis le 30 janvier, Hitler est chancelier du Reich. En Italie, la dictature de Mussolini est bien installée.

    Avec la montée des régimes autoritaires, l’opinion républicaine craint pour la République et la démocratie. Lorsque le 4 octobre 1934 le gouvernement s’ouvre à des ministres de la CEDA, autrement dit de la droite fascisante, la gauche appelle à la grève générale. Lancé le 5, le mouvement est extrêmement dur dans les mines des Asturies où, après une semaine de luttes, les légionnaires et les troupes maures de Franco le répriment dans le sang. En Catalogne, le gouvernement légal s’insurge également. Pour le président de la Généralité, Lluís Companys, la Catalogne « ne peut être absente de la protestation qui triomphe dans le pays tout entier ». Le 6, il proclame l'État catalan de la République fédérale espagnole. Le 7 au petit matin, le gouvernement catalan est fait prisonnier ; l’état de siège instauré. Le statut d’autonomie est suspendu, un gouverneur installé, Companys et ses ministres condamnés à trente ans de prison.

    Les élections législatives du 18 février 1936 sont l’occasion d’une revanche pour la gauche (républicains, socialistes, trotskiste du Parti ouvrier d’unification marxiste et communistes) unie désormais dans un Frente Popular. C’est la fin du « Bienio negro ». A Madrid, Manuel Azaña installe un gouvernement républicain. Amnistiés, Companys et ses ministres réintègrent le palais de la Généralité à Barcelone. Franco est envoyé en exil forcé aux Canaries.

    Les mois qui suivent sont ceux d’une intense agitation et de violences : confiscations sommaires de terres par les paysans, pillages, incendies d'églises, séminaires, monastères et journaux d'opposition, grèves générales et partielles, etc.

    Ces troubles contribuent à rallier une partie de l'opinion modérée, bourgeoise et catholique aux adversaires les plus résolus du régime républicain : les militaires et les fascistes.
    L'assassinat, le 13 juillet 1936, du monarchiste et nouvel homme fort de la droite, José Calvo Sotelo, par des officiers de police, met le feu aux poudres et déclenche le « pronunciamiento » fomenté, dès le 8 mars, sous l’autorité du général Sanjurjo.

    Le putsch de 1936

    Le 17 juillet, les troupes du Maroc, commandées par Franco, se rebellent. Sur le continent le soulèvement est conduit par les généraux Sanjurjo, Mola et Goded. Le 18, Franco débarque dans la péninsule. Ce même jour, les garnisons de Séville, Cordoue, Grenade, Cadix, ainsi que la Galice, la plus grande partie des Asturies et du Léon, la Navarre et la Vieille-Castille se rallient à la rébellion nationaliste. Celle-ci échoue cependant à Madrid et à Barcelone. Le coup d'État que le « quarteron de généraux » avait voulu rapide et décisif est raté. C’est à partir des régions gagnées que les nationalistes organisent l’offensive anti- républicaine et la conquête du pays.

    Article paru dans La Semaine du Roussillon


  • Plus qu'un soldat…

    Le général Amédée Fabre (1892-1975)

     

    « J'ai beaucoup reçu, je dois beaucoup donner ! » Telle était la devise de ce fils de paysan roussillonnais devenu meneur d'hommes et qui a su se faire apprécier sur tous les théâtres d'opérations, civils ou militaires.

    C'est un destin peu commun, le fils d'un berger roussillonnais qui devient général dans l'armée française ! Jacques Fabre, son père, et Thérèse Serradell, sa mère, sont bergers au mas Salvat à Alénya lorsque naît Amédée, le 16 juin 1892. Il sera l’aîné d'une fratrie de quatre enfants, deux filles et deux garçons. Et ses origines modestes, loin d'être un handicap, seront en fait le fil conducteur de sa vie où l'homme, qu’elle soit la couleur de sa peau, sera toujours son égal.

     Difficile, sans doute, lorsque l'on est militaire, de surcroît officier supérieur et envoyé dans les « colonies », de ne pas tomber dans le piège de la supposée supériorité dont certains blancs ont usé et abusé. Ce chapitre de l'histoire de la France n'est pas près, hélas, d'être refermé. C’est en 1910, à peine âgé de 18 ans, qu'Amédée s'engage comme simple soldat dans l'armée pour une période de quatre ans. Il fait la première guerre du Rif, en 1912 au Maroc puis revient en métropole alors que ce déclare la grande guerre 14/18. Il sera blessé deux fois, à Jalnay en août 1914 puis à Massiges en septembre 1915 peu après avoir été nommé sergent.

    Dès janvier 1916, il rejoint le front, est promu sous-lieutenant et obtient une citation à l'ordre du régiment, le 24ème R.T.S. de Perpignan, pour sa bravoure et son sang-froid. Le 26 août 1916, lors d'une courte permission, il épouse Yvonne GREFFE, fille d'un lorrain expatrié à Paris en 1871, après l'annexion de la Lorraine par l'empire allemand. Une petite cousette qui a suivi l'ascension de son époux sans jamais renier son passé. Le ménage a eu deux garçons dont l'un est décédé à Hanoï de la maladie bleue à 11 jours.

    Lieutenant en 1918, il se signale lors des attaques d'Herpy, puis des combats autour de Reims, sur la Suippe et sur l'Aisne. À la signature de l'armistice, le 11 novembre 1918, il est envoyé en Allemagne puis désigné pour l'Indochine en décembre 1919. Affecté au 2ème Régiment de Tirailleurs Tonkinois comme officier instructeur, il est noté par se supérieurs comme « excellent officier d'une valeur très supérieur à celle des officiers sortis de la guerre ». En février 1923, il retourne en métropole, affecté à Perpignan au 24ème R.T.S où il est promu capitaine en septembre.

    1925 le voit repartir vers le Maroc avec son régiment pour la deuxième guerre du Rif. Sa compagnie est encerclée par les Rifains et le capitaine Fabre sera un moment considéré perdu. À la suite de cette terrible campagne, il est rapatrié en France et affecté au Centre Mobilisateur de Fréjus où il reste quatre ans.

    En décembre 1930, il est désigné pour Madagascar et affecté au 2ème Régiment de Tirailleurs Malgaches à Diego-Suarez. Il y sera promu commandant, chef de Bataillon en juin 1933 avant de retrouver la France en août  et il sera affecté au 14ème R.T.S. de Mont-de-Marsan.

    Septembre 1936, nouveau départ pour l'Indochine où il rejoint le 9ème R.I.C. à Hanoï. Il est nommé pour former le 2ème Bataillon de Marche de Chine, une unité d'élite chargée de la protection de la Concession Française à Shanghai lors de la guerre sino-japonaise de 1937/1939. Il parvient à éviter l'invasion de la Concession par les troupes japonaises grâce à sa fermeté qu'il dira avoir joué à pile ou face.

    En juin 1939, le commandant Fabre est rapatrié en France, au 24ème R.T.S. de Perpignan. Il est élevé au grade de lieutenant-colonel trois jours après qu'on lui a signifié son départ vers le front. La deuxième guerre mondiale vient de commencer.

    Durant la « drôle de guerre », Amédée Fabre s'occupe de l'hivernage des soldats sénégalais dans le Midi. Puis c'est le retour au front en avril 1940 et il est fait prisonnier lors des combats sur la Somme. Il restera en captivité en Allemagne et en Pologne du 10 juin 1940 au 26 mai 1945 dont deux années en camp spécial tenu par les S.S. Promu colonel en 1941, il est rayé des contrôles par bénéfice de dégagements des cadre en mai 1946 et nommé Général de Brigade le 1er septembre 1946, placé dans la 2ème Section du cadre de l'État-major de l'Armée de terre.

    Amédée Fabre et son épouse se sont retirés à Toulon auprès de leur fils Claude. Le général y décédera en 1975 et son épouse en 1989.

    Fabre le bâtisseur

    Lorsqu'il arrive à Madagascar début 1931, Amédée Fabre est affecté au commandement de la compagnie d'infanterie coloniale qui occupe Ankorika, un poste érigé par Joffre vers 1897 et situé sur le plateau montagneux qui domine Orangea et Ramena, un village de pêcheurs. C'est la brousse dans toute sa splendeur mas aussi sa pauvreté. L'eau vient de deux puits à faible débit, pas d'électricité et les bâtiments ont souffert d'un manque d'entretien.

    Le premier travail de l'officier Fabre va être d'établir un réseau d'eau. Joffre, à l'époque, avait imaginé de l'amener de la montagne par un canal de 15 km qui, mal entretenu, était très vite retourné à la brousse. Fabre va prendre l'idée de Joffre mais, au lieu de construire un canal superficiel, il va créer une canalisation enterrée, sécurisée, en utilisant un matériau abondant ici et gratuit : les bambous de grand diamètre, mis bout à bout par des manchons également en bambou scellés par de l'argile durcie au feu. Pour remonter l'eau jusqu'au cantonnement, on va utiliser une pompe à incendie à piston mue par un mulet. La précieuse eau sera ainsi élevée jusqu'à un château d'eau et distribuée ensuite au casernement et dans toutes les habitations, en utilisant les bambous de différents diamètres.

    Le 24 décembre 1931, la desserte d'eau est inaugurée et, comble de raffinement, les lieux habités ont été pourvus de WC à chasse d'eau !

    Ce problème étant résolu, Fabre décide de ravaler les constructions et, là aussi, il va utiliser ce que la nature met à sa disposition : l'argile, dont un bon filon se situe non loin de l'arrivée d'eau. Une briqueterie est créée et les bâtiments, à peu de frais, vont retrouver une fière allure.

    Reste encore à solutionner le problème de la nourriture et, encore une fois, le bon sens paysan, sans doute inné, du capitaine Fabre, va faire merveille. L'eau étant désormais abondante, il met en œuvre un ambitieux programme de cultures et d'élevage qui transforme radicalement la vie du poste et des indigènes.

    Mais là où l'ingéniosité – ou le génie – de Fabre s'exprime pleinement c'est lorsqu'il parvient à fabriquer des filets de pêche en utilisant la toile de vieux pneus stockés chez un chinois de Diego-Suarez.

    Lorsqu'il quitte Madagascar alors qu'il est promu commandant, Amédée Fabre laisse derrière lui deux populations qui s'apprécient et s'estiment, car les indigènes ont toujours été associés à ses réalisations.

    Shanghai 1938-1939

    A cette époque, à Zi Ka Wei, en territoire chinois, le gouvernement de Tchang Kaï-Chek avait alloué une zone aux Missions Chrétiennes européennes eu égard au célèbre observatoire astronomique que les Pères Jésuites y avaient implanté en 1873. Or, chine et Japon sont en guerre et les forces japonaises, repoussant devant elles les troupes chinoises arrivent en vue de cette zone où sont réfugiés plusieurs milliers de familles chinoises fuyant l'envahisseur dont la réputation de sauvagerie est bien connue. Contiguë à la Concession Française, cette zone va être le théâtre de grands massacres si rien n'est tenté. Le commandant Fabre, en accord avec le RP Pierre Legay, directeur de l'Observatoire, va prendre l'initiative de porter ses troupes à la limite de la zone de Zi Ka Wei, là où les troupes japonaises vont tenter de passer. Un général japonais, parlant le français, est dépêché sur place pour faire évacuer les soldats français mais c'est Fabre qu'il trouve de l'autre côté des barbelés. Le japonais demande, puis exige, puis somme les Français de partir, d'abord doucereux et ensuite hurlant. Impassible Fabre ne cède pas. Il avouera ensuite que, sous un calme apparent il n'était pas véritablement rassuré et combien une existence pouvait se jouer à pile ou face, suivant les décisions que l'on était amené à prendre. Cette conduite lui valut de prendre en charge l'administration de  Zi Ka Wei et il érigea la zone en Commune indépendante qu'il administra comme un maire avec un Conseil Municipal qu'il avait fait élire par les Chinois, appliquant le principe de l'égalité entre eux et les Européens. En 1960, le général Fabre est fait Commandeur de Saint-Grégoire le Grand sur ordre du pape Jean XXIII pour les immenses services rendus aux missions catholiques françaises de Shanghai lors de la guerre sino-japonaises. Il fut décoré par Monseigneur Mazerat, évêque de Toulon, avec lequel il avait été prisonnier de guerre en Pologne.

    Article paru dans la Semaine du Roussillon

    P.S.: Pour les personnes qui seraient intéressées, je peux fournir les actes de décès, mariage et naissance.


  • Au temps des banques familiales, de 1809 à 1924

    De nos jours, les banques familiales indépendantes ne sont plus très nombreuses. Elles furent cependant les premières de l'histoire et ont parfois donné naissance à de puissantes dynasties. Elles avaient su se construire en étroite collaboration avec l'économie réelle de leur région.

    Auriol Prosper Ambroise Eugène (1821-1870)

    Il naît à Perpignan le 5 avril 1821, fils de Bernard, originaire de Tuchan (Aude) et de Catherine Lloubes son épouse. Bernard Auriol et Jean-Jacques Lloubes (frère de Catherine) sont les fondateurs en 1809 à Perpignan, pendant l'Empire, de la banque Lloubes et Auriol. En 1843, Prosper intègre la banque familiale et en 1863, alors que les deux fondateurs sont morts et que son cousin Auguste Lloubes l'a rejoint, il en prend la direction.

    Auguste Lloubes, maire de Perpignan du 22 août 1848 au 4 août 1852, acceptera le coup d'État de Louis Napoléon du 2 décembre 1851. En 1866, Auguste Lloubes décède et la banque prend le nom de Banque Auriol.

    Son beau-frère Prosper a pris parti, lui, pour le camp républicain et il sera avec les Massot, Farines, Escarguel, Testory et Laffon actionnaire et cofondateur du quotidien L'Indépendant lorsque celui-ci renaît en 1868. Il soutient activement la candidature républicaine d'Emmanuel Arago aux législatives de 1869 contre les candidats officiels Justin Durand et Victor Calmettes. Les bonapartistes, inquiets de voir l'opposition républicaine s’affirmer dans le département, vont attaqué Arago qui a pourtant constitué un comité de soutien où figurent, selon Horace Chauvet, « les plus ardents démocrates » dont Prosper Auriol. L'élection sera cependant perdue par Emmanuel Arago.

    Lors de la chute du second Empire, le 4 septembre 1870, Lazare Escarguel devient maire de Perpignan et Prosper Auriol est membre de la commission municipale. Il y votera la levée de l'état de siège du département ainsi que la suppression des écoles primaires communales congréganistes de la ville de Perpignan où exerceront désormais des instituteurs laïques.

    Mais Prosper Auriol décède lui aussi prématurément le 9 novembre 1870, à l'âge de 49 ans. Il laisse son épouse Delphine, née Cazes et deux enfants en bas âge, trop jeunes pour prendre la direction de la banque. C'est Delphine qui, pour assurer l'avenir de ses enfants, décidera de poursuivre l'activité de la banque familial. Elle sera aidée dans sa mission par Isaac Lévy fondé de pouvoir de la banque et sur son propre frère Gustave Cazes, un spécialiste de l'économie viticole. L'établissement prend le nom Banque Veuve Auriol et fils.

    Au temps des banques familiales

    Prosper Ambroise Eugène Auriol et Delphine Auriol, née Cazes, sa femme

    Auriol Prosper Bernard Eugène (1821-1870)

    Né à Perpignan le 2 août 1861, il n'a que neuf ans quand son père décède en 1870. Nous avons vu avant que c'est Delphine, la veuve de Prosper Auriol père, qui reprend la succession de son mari et, entre 1870 et 1886, année où Prosper fils, 25 ans, entre dans l'affaire, il se trouve que la banque a réalise d'excellentes affaires. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, c'est le phylloxéra, en train de ravager le vignoble français qui sera le secteur principal de l'augmentation du chiffre d'affaires de la banque et aussi de ses bénéfices. Car, pour le moment, le phylloxéra épargne l'Aude et les Pyrénées-Orientales. Certains vignerons pensent même que notre région ne sera pas touchée.

    Comme le prix du vin a fortement augmenté, les propriétaires aisés étendent encore leurs vignobles. Ils s'endettent et la banque Veuve Auriol et fils est là pour satisfaire leurs ambitions. Au point que les inspecteurs de la Banque de France ne tarissent pas d'éloges sur elle et la définissent comme « une bonne maison, disposant de dépôts sûrs issus de la famille essentiellement ».

    Un autre atout important des Auriol est de compter parmi leurs principaux clients l'entreprise Bardou-Job, fabricant de papier à cigarettes. Après Prosper fils en 1886, son frère cadet Georges intègre également la société qui se constituera en Société en Nom Collectif (SNC) dont le capital est réparti entre la mère et les deux fils. Mais déjà, à cette époque, la viticulture est en crise.

    Après avoir atteint l'Aude, le phylloxéra est dans nos vignobles qu'il n'épargnera pas. 1881 sera l'année de la plus forte récolte de vin de tous les temps – 2200000 hectolitres sur une superficie de 80000 hectares – mais ce sera bien la dernière grosse récolte.

    La décennie 1890 verra de nombreuses affaires liées à la viticulture disparaître. Les banques en subiront les conséquences et chez les Auriol, leur surface financière et la faiblesse « des mauvais papiers », due à leur rigoureuse gestion leur permettra de résister.

    Première banque locale en Roussillon

    Après 1905, Jouissant d'une confiance absolue de la Banque de France, la banque Auriol est classée en tête des établissements bancaire de la place. Les inspecteurs n'hésiteront pas à écrire que leurs dirigeants « vivent simplement et ne dépensent pas leurs bénéfices ou leurs revenus ». En 1910, Prosper Auriol est nommé Censeur de la Banque de France – succursale de Perpignan – et sa parfaite connaissance de l'économie locale lui permettra de tenir un rôle important dans l'établissement lors de la Grande Guerre 14/18. Prosper fut également administrateur de la Caisse d'Épargne dès 1883 puis directeur et directeur honoraire jusqu'aux année 1930. On le retrouve aussi membre de la Chambre de Commerce de Perpignan où il sera secrétaire mais encore à la SASL (Société Agricole Scientifique et Littéraire) des Pyrénées-Orientales dont il sera un temps le président. Ce serait pendant sa présidence, en 1907, lors de la crise viticole ayant donné lieu à des émeutes, que le préfet David Dautresme lui aurait conseillé de faire planter aux viticulteurs catalans des pins et des amandiers pour remplacer la vigne !

    Lors de l'incendie de la Préfecture par les viticulteurs révoltés, le préfet, son épouse et leurs cinq enfants durent se réfugier sur le toit du bâtiment pour y attendre les secours. Hors ses préoccupations professionnelles, Prosper Auriol a été un bon pyrénéiste. Membre et organisateur du Club Alpin Français regroupant la plupart des notables du département, il connaissait toutes les montagnes qu'il a parcourues et on lui attribue même la première descente à ski sur les pentes du Col de la Quillane, en 1901.

    Le 18 mars 1921, par décret du ministre des Finances, Prosper Auriol était nommé Chevalier de la Légion d'Honneur. Fin 1924, les deux frères Auriol, Prosper et Georges, âgés de 64 et 59 ans, décident de mettre fin à leur activité bancaire. Prosper conservera son poste de Censeur à la Banque de France jusqu'à sa mort en 1944.

    Article paru dans la Semaine du Roussillon


  • Le patrimoine élégant

    Vue de Cassagnes

    A quelques encablures du village de Cassagnes, c'est là que l'on vient débusquer les témoins élégant d'un passé paysan : une architecture de pierres sèches, patrimoine vernaculaire inoubliables.

    Cassagnes semble endormi, bercé par le chuintement d'un légère tramontane à laquelle le village a préféré tourner le dos.Sur ce mamelon arrondi, les maisons s'accrochent les unes aux autres, face à un vignoble que les acteurs locaux ont su préserver. Une petite route s'avance timidement cap sur le vieux clocher, dans un espace que quelques constructions nouvelles ont colonisé. Sur les murettes cactus et figuiers jouent les envahisseurs, contournant telle pierre ou tel poteau bétonné redonnant à ces alentours urbanisés un petit air de campagne méditerranéenne charmante.

    Le parcours suit la route du barrage avant de basculer (à droite, rue du Camp Grand) vers un fond de vallon strié de larges bandes de ceps de vignes. La piste est goudronnée, l'allure de la promenade suit un rythme soutenu. Murette et typique oratoire donne aux lieux leur petite note charmante, le détail d'un panorama rural infini. A quelques mètres, une piste (tout droit) se termine sur un carrefour de chemins. Une sente guide les pas vers une zone boisée, où une végétation plus touffue semble s'étoffer à grand renfort de fraîcheur, à l(humidité d'un ruisseau timide. Une petite passerelle a été aménagée pour rejoindre le flanc voisin. Après un court passage ombragé, le chemin longe un muret de pierres sèches. Entre landes, garrigues et parcelles de vignes (tourner à gauche à la première intersection, à droite à la seconde), la promenade progresse en altitude, dévoilant petit à petit un panorama de plus en plus lointain. La tour de Trémoine, le Roc de Lansac, la silhouette un peu floue du château de Quéribus...

    Le plateau de Saint-Martin dévoile ses atours. Chaos rocheux et alignements réguliers de murettes découpent une immense étendue viticole. Les feuilles hésitent encore à se parer des couleurs de l'automne. Certains cépages semblent plus avides que d'autres à arborer ce rouge flamboyant qui surprend dans une harmonie de verts variés. En s'avançant (tout droit) vers les crêtes de la serre de Vingrau, on distingue les vestiges de la chapelle. L'aller-retour est rapide et charmant, le tour du propriétaire surprenant. Avec curiosité, on retrouve là les ruines d'un bâtiment qui semble avoir été protégé par des fortifications : une imposante porte a gardé quelques secrets. Mais la probable communauté pastorale qui vivait ici disposait aussi, à quelques pas, d'un splendide puits. La construction, datée du XIIème siècle, peut abriter une petite pose restauration (45mn).

    En revenant au croisement, on retrouve la piste gravillonnée qui s'avance, au sud-est, Força Réal en point de mire. Les chaos granitiques qui s'égrènent sur la colline éveillent des souhaits féeriques. On attend avec espoir un elfe souriant au détour du chemin. Mais d'infinis murs de pierres sèchent attirent les regards des curieux. De tous côtés on décèle de nombreux abris, baraques d'architecture variée : certaines font corps avec les murettes, d'autres sont le point de départ de murs d'enceinte. Certaines sont ramassées, de plafond bas, d'autres, dotées d'une ouverture étroite offrent un volume intérieur plus vaste. Certaines ont un plan de base circulaire d'autres disposent d'une surface plus rectangulaire. Elles ont cependant le point commun d'avoir été édifiées sans liant et pour la plupart de disposer de voûtes à encorbellement les pierres sèches sont disposées les unes sur les autres en surplomb par rapport à la rangée inférieure et sont légèrement inclinées vers l'extérieur.

    Le patrimoine élégant

    Cabane de plan carré à Saint-Martin (restaurée) Photos de Philippe Hurtebize

    La technique est époustouflante, la découverte offre l'émotion de la journée. A contrecœur il faut poursuivre le parcours à travers vignes jusqu'au col de l'Arque et la route départementale (1h). Le château de Cuxous toise de loin le passant. Ancien élément clé des propriétés du Fenouillèdes (en position de donner l'alerte à Quéribus ou aux tours à signaux de Trémoine et Lansac), il est aujourd'hui devenue une demeure privée. Quatre pas le long de la route suffisent à rejoindre un petit cabanon.

    On y retrouve une nouvelle piste gravillonnée, à suivre à gauche en pente douce vers le village. Dans un virage, un petit chemin à gauche entame la descente vers le fond de ravin (1h10). Au loin, la bonne humeur se laisse partager en provenance d'un mas. Les rires et commentaires d'une fin de journée de Chasse ?

    Au-delà du petit bois, on retrouve le chemin de début de parcours. L'effort ultime de la journée ne ravit pas tous les participants… sentier, piste et ruelles se succèdent dans la montée jusqu'à l'ambiance de quiétude de la cave coopérative (1h40). Dans le soleil couchant, les Corbières font un clin d'œil charmant à ce terroir du Fenouillèdes et à son vignoble exceptionnel dont on dégusterait volontiers les meilleurs crus( avec modération bien sûr).

    Article paru dans la Semaine du Roussillon